Le combat de Jacob avec l’ange est un épisode biblique aussi célèbre que le sacrifice d’Isaac. Delacroix en a laissé une fresque puissante (1861) et Gauguin un tableau ingénu (1888). Les Pères de l’Église y voient un condensé du combat spirituel. Ce n’est pourtant qu’une péripétie dans une histoire riche en rebondissements.
Autant le parcours d’Abraham semble linéaire, autant celui de Jacob paraît cahotique. Il va et vient de part et d’autre du Jourdain, passe vingt ans à Harrân, revient en Canaan et meurt en Égypte. Il a le don de créer les conflits, avec son frère Ésaü, avec son oncle et beau-père Laban. Ses nombreux enfants ne sont pas en reste. En même temps, autour de lui, comment ne pas être touché par son amour pour Rachel et par les réactions de Rachel, Léa ou de sa mère Rébecca ?
Par deux fois, à Béthel, à Pénouel, Dieu se manifeste à lui. De nuit. Ici dans un songe, là dans un corps-à-corps. Il en reste marqué à jamais. Il est le dernier des patriarches, celui avec lequel se clôt la première révélation du « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob » (Ex 3,6).
Honoré avant l’Exil dans les régions du Nord, alors qu’Abraham est plutôt lié à celles du Sud, il porte le nom même du royaume puis du peuple : « Israël ». Le prophète Osée ne le considère pas alors d’un œil bienveillant mais, après l’Exil, les derniers rédacteurs du livre de la Genèse relient son histoire à celle de l’Exode pour définir l’identité du peuple choisi, béni par Dieu. La personne réelle compte moins que le personnage construit par les Écritures saintes.
Le Dossier que vous avez entre les mains n’élude pas les questions historiques, tant sur Jacob que sur les récits qui se sont progressivement élaborés. Il montre même leur importance pour nous comprendre nous-même dans notre rapport aux textes fondateurs.
Le hasard veut que le dernier Congrès des biblistes francophones se soit penché sur la notion de « peuple de Dieu ». Les patriarches ont été peu évoqués, mais l’identité juive ou chrétienne a été largement abordée. On en trouvera un bref aperçu dans la partie Actualités avant les habituelles recensions.
Cahier Évangile n° 171
72 pages, SBEV/Éd. du Cerf, mars 2015 (9 euros)
Sommaire du numéro
DOSSIER : Jacob, l’autre ancêtre
Par Corinne Lanoir
p.4 – Alors qu’Abraham est résolument ancré au sud du pays, Jacob se déplace dans les régions du Nord, de part et d’autre du Jourdain et jusqu’en Mésopotamie. La plupart des grands sanctuaires du royaume d’Israël lui sont liés. Genèse 25,19 à 35,15 raconte son extraordinaire parcours de jeune homme tricheur, d’époux aimant, de père meurtri. Parti sans rien de sa maison, il y revient des années plus tard, riche de biens et d’enfants. Ses aventures, transmises d’abord comme la mémoire locale d’un groupe particulier, s’étoffent ensuite en rejoignant celles d’Abraham, le premier patriarche, dépositaire de la promesse divine.
Introduction
p. 7 – I – Le cycle de l’ancêtre du Nord, une mémoire de résistance
Jacob et Ésaü Extrait à lire
Jacob et Laban l’Araméen
Rachel et Léa
Un héros autochtone Extrait à lire
p. 24 – II – De Béthel à Penouël, aller et retour
Béthel
Penouël
Un parcours identitaire Extrait à lire
p. 36 – III – Une tradition relue et revisitée
Jacob relu par Osée Extrait à lire
Jacob réhabilité comme patriarche
p. 49 – Conclusion Extrait à lire
p. 53 – Liste des encadrés
Repères historiques et littéraires Encadré à lire
Le Proche-Orient ancien (carte)
Les noms d’Ésaü et de Jacob
Endogamie et exogamie
Vision d’ensemble sur le cycle de Jacob
Genèse 28,10-22
Genèse 32,7–33,4
Le roman de Sinouhé
Reconsidérer l’histoire des deux royaumes
Le sanctuaire de Béthel
Le « pays » de Jacob (carte)
Histoire de la rédaction du cycle de Jacob et ses liens avec Osée
Osée 12 et le cycle de Jacob
Le recadrage sacerdotal de l’histoire de Jacob
Les débats actuels sur les datations du cycle de Jacob
p. 52 – Glossaire
p. 54 – Pour aller plus loin
Actualités
p. 56 – À propos de la notion de « peuple de Dieu » (Congrès ACFEB 2014)
Le dernier congrès de l’Association catholique française pour l’étude de la Bible (ACFEB) qui s’est tenu à Lyon du 1er au 4 septembre 2014 avait choisi de questionner la notion de « peuple de Dieu », valorisée lors du concile Vatican ii. Cette notion a en effet ses ambiguïtés. Quels rapports à Dieu, à soi et à l’autre induit-elle ? Pendant quatre jours, la recherche a été menée par des historiens, des exégètes, des théologiens, chrétiens (catholiques et protestants) pour certains, juifs pour d’autres. Bref compte rendu.
Par Odile Flichy, Centre Sèvres, Facultés jésuites de Paris Lire ce compte-rendu
p. 58 – Des livres
- Emmanuel Carrère, Le Royaume Lire cette recension
- Christian Dionne et Yvan Mathieu (dir.), Raconter Dieu. Entre Récit, histoire et théologie Lire cette recension
- Alain Fournier-Bidoz, Prophètes et Apôtres dans le texte Lire cette rencension
- Christophe Rico, La mère de l’Enfant-Roi, Isaïe 7,14. « ‘Almâ » et « Parthenos » dans l’univers biblique : un point de vue linguistique
- Jean-Philippe Fabre, Le disciple selon Jésus, Le chemin vers Jérusalem dans l’évangile de Marc Lire cette recension
- Alain Gignac, L’épître aux Romains Lire cette recension
- Matthieu Arnold, Gilbert Dahan, Annie Noblesse-Rocher (dir), Philippiens 2,5-11. La kénose du Christ
- Mireille Hadas-Lebel, Une histoire du Messie Lire cette recension
- Dan Jaffé, Essai sur l’interprétation et la culture talmudiques. Femmes et familles dans le Talmud
- Éric Denimal, L’enfant
p. 69 – Un DVD
Guy Rainotte (réalisation), La narratologie appliquée aux textes bibliques Lire cette recension
p. 71 – Brèves