Pendant longtemps, un unique nom, Jean, a couvert de son autorité des écrits fort divers : le quatrième évangile, les trois épîtres, l’Apocalypse. Ce Jean était d’ailleurs, sans trop de contestation, identifié avec l’apôtre fils de Zébédée.
L’analyse historique, si attentive à la lettre, a détaché d’abord, pour des raisons de critique interne, l’Apocalypse du reste du corpus. Puis, elle a distingué entre la première épître et les deux autres. Enfin, elle a nié le lien traditionnel entre le fils de Zébédée et le " Disciple que Jésus aimait " qui se revendique auteur de l’évangile (Jn 21, 24). Ce faisant, elle nous a rendus sensibles à la diversité des écritures, au lent processus rédactionnel qui aboutit aux textes actuels, aux contextes de leur élaboration et à la vie des communautés qui les ont portés.
Dans le Dossier, sans rien renier de ces résultats, Yves-Marie Blanchard a voulu revenir sur l’unité du corpus. Il s’arrête en particulier sur les communautés chrétiennes d’Asie Mineure qui, d’une manière ou d’une autre, se sont référées au " Disciple que Jésus aimait ". Mieux, croisant la méthode historique et l’analyse narrative, il s’intéresse, dans chaque écrit, nombreux exemples à l’appui, à ce que dit la " voix " du narrateur. La personnalité historique des auteurs compte peu ici. Mais, dans l’écoute de la " voix narrative ", apparaît un jeu subtil – ô combien actuel et efficace – de présence et d’autorité entre le " je " qui raconte ou argumente, le " nous " de la communauté chrétienne et le " il " de la parole première, celle de Jésus Christ. Au terme, la question du disciple n’est plus posée à propos de ceux qui ont vu autrefois le salut de Dieu mais à propos de ceux et celles qui le lisent aujourd’hui – dans les écrits johanniques et dans la vie. L’argumentation de Yves-Marie Blanchard est serrée. Aussi, de façon très pédagogique, propose-t-il, à la fin de chacune des étapes, un petite grille de lecture " pour travailler personnellement " les textes. Une première version de cette étude est parue cet été dans la revue " Esprit et Vie " n° 153 à 157 (2006).
La partie " Actualités " commence par rendre hommage à un poète, lecteur amoureux des écrits johanniques – il les a traduits et commentés – : Jean Grosjean, décédé en avril dernier. Puis, elle s’arrête, avant les habituelles recensions, sur un film documentaire tiré d’un livre à succès : " La Bible dévoilée ". L’archéologie fascine nos contemporains. La Bible lui échappe en partie. Peut-être parce que, pour être histoire, elle est d’abord littérature.
Cahier Évangile n° 138
68 pages, SBEV/Éd. du Cerf, décembre 2006
Sommaire du numéro
DOSSIER : "Les écrits johanniques. Une communauté témoigne de sa foi", par Yves-Marie Blanchard
p. 03
Les écrits johanniques sont divers (un évangile, trois épîtres, une apocalypse) et ils se réfèrent à trois auteurs (le disciple évangéliste, le presbytre des lettres et le prophète apocalypticien). Or la tradition éditoriale les met sous l’unique nom de Jean et l’enquête historique nous oriente vers la même région d’Éphèse. Des communautés chrétiennes proches géographiquement auraient été inspirées par une même théologie, celle du mystérieux " Disciple que Jésus aimait ". Conversant ici avec la méthode historique, l’analyse narrative enrichit cette perception de " l’auteur ", voix anonyme qui hésite entre le " je " et le " nous " et qui propose au lecteur non seulement de s’approprier le souvenir du passé, mais de renaître chaque jour dans la foi en Jésus Christ, qui, seul, " raconte " Dieu.
p. 4 – 1re partie : approche historique
p. 4 – La question de l’unité d’auteur > > > extrait à lire
p. 12 – L’identité de l’auteur
p. 20 – L’histoire de la communauté johannique > > > extrait à lire
p. 30 – Une communauté, des livres > > > extrait à lire
p. 31 – 2e partie : approche narrative
p. 32 - Les instances d’énonciation
p. 42 - La conscience éditoriale > > > extrait à lire
p. 53 – Conclusion
Liste des encadrés :
L’héritier (p. 6)
Le quatrième évangile en Asie Mineure (p. 13)
André dans le quatrième évangile (p. 15)
L’appartenance sacerdotale du Disciple bien-aimé (p. 18)
De Bultmann à Brown (p. 21)
Johannisme et Hermétisme (p. 24)
L’anti-judaïsme du quatrième évangile (p. 25)
La fenêtre et le miroir (p. 31)
Les commentaires explicites (p. 35)
L’auteur " impliqué " (p. 43)
Un espace de dialogue. (p. 46)
" Gardez-vous des idoles ! " (p. 50)
p. 56 – Pour continuer l’étude
ACTUALITÉS
p. 57 - Hommage : L’œuvre de Jean Grosjean, par Pierre-Marie Beaude, Université de Metz
Né en 1912, Jean Grosjean nous a quittés le 11 avril 2006. Depuis Terre du temps, en 1946, son œuvre compte une bonne trentaine de publications. Traductions, poèmes, récits continuent de s’offrir à la lecture fidèle de ceux que ne rebutent pas les itinéraires discrets. Grosjean s’épanouissait en dehors des routes à grande circulation, leur préférant les promenades à travers la Champagne où il se retirait tous les étés.
p. 61 - Un DVD, par Vincent Michel, archéologue, Institut catholique de Paris
Thierry Ragobert : “La Bible dévoilée – Les révélations de l’archéologie“. Film en 4 épisodes de 52 minutes, écrit par Isy Morgensztern et Thierry Ragobert, 2 DVD + un livret " Bible et archéologie ", éditions Montparnasse, 29,45 €
p. 63 - Des livres
- Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, Les Rois sacrés de la Bible. À la recherche de David et Salomon
- Steven L. McKenzie, Le roi David. Le roman d’une vie >>> Lire dans recensions 2006-2007
- Guy Lafon, La Parole et la Vie. Lectures de l’Évangile selon saint Jean
- Luc Devillers, La saga de Siloé. Jésus et la fête des Tentes (Jean 7, 1 – 10, 21)
- Michèle Morgen, Les épîtres de Jean
- Jean-Pierre Prévost, Pour lire l’Apocalypse
p. 68 - Brèves