Nous vous l’avions annoncé, et nous avons travaillé pour vous présenter ce numéro des Cahiers Évangile écrit par des exégètes à la suite du rapport de la Ciase. Parmi les facteurs qui ont pu « favoriser, permettre ou justifier » des agressions sexuelles, « parfois au prix de grossiers détournements de sens », la Ciase pointe notamment « des dévoiements des Écritures » (§ 0867). Le constat est sans appel : « Le détournement de la Bible au profit de justifications perverses est partout présent [...]. On observe que les expressions bibliques dévoyées à des fins de manipulation sont pour ainsi dire coupées d’un contexte qui les irrigue et déploie leur sens véritable et profond » (§ 0911).
En tant que biblistes, au service de l’Évangile, dans l’Église catholique, après avoir lu et entendu des témoignages de victimes, pris connaissance du rapport de la Ciase, nous avons rouvert la Bible si souvent fréquentée. Les paroles entendues changent notre manière de la lire et de l’étudier, voire l’éclairent.
Nous aurions pu tenter de redresser telle ou telle interprétation abusive sur lesquelles les agresseurs s’appuient fallacieusement pour justifier leurs turpitudes. Les pervers savent toujours pervertir le texte pour justifier leurs perversions.
Car toute l’Écriture se livre aux mains des lecteurs aussi démunie que le Fils de l’homme s’est livré aux mains des hommes. Ainsi, accueillie avec le respect dû au Verbe fait chair, la Bible, quand elle est lue avec rigueur et liberté, expose à la puissance de l’Esprit qui sanctifie.
Que le texte soit maltraité peut sembler sans conséquence. Le rapport de la Ciase nous apprend que c’est mortifère.
Que les corps et les âmes soient maltraités dans de telles proportions est un scandale dont nous prenons conscience et dont nous n’avons pas encore pris toute la mesure. Il est donc nécessaire de lire avec les victimes afin de comprendre ce qu’est l’usage oppressif des textes. Des victimes – témoins évoquent la force des psaumes pour tenir. En ce sens, ce Cahiers Évangile n’est qu’une étape qu’il nous faudra poursuivre.
Dans ce Cahiers nous vous présentons la lecture de textes qui racontent de tels crimes (les histoires de Dina et Tamar) et mettent au jour les rouages de l’emprise et de la violence. Ces articles réfléchissent à la manière dont le mensonge est à la racine du mal, et en particulier l’usage mensonger de la parole divine. La lecture de la passion selon Matthieu éclaire ce qui est en jeu dans la parole des puissants, et manifeste comment le Christ brise cette emprise. Une lecture transversale de 1 Co permet de montrer le lien entre la croix, le corps ecclésial et celui du plus petit. Nous terminons notre parcours par un texte qui montre comment une lecture ajustée de l’Écriture est un chemin de libération.
Les Actualités de ce numéro sont des invitations à ouvrir la Bible et à la faire lire… Elle est la force de conversion et de transformation que Dieu donne pour que le scandale ne survienne plus jamais.