Pendant longtemps, Marc a été le grand oublié de la liturgie et des études bibliques. Le xxe siècle et le développement des études « synoptiques » ont redonné sa place à l’évangile de Marc. La sagacité des lecteurs pouvait s’exercer dans les comparaisons avec les textes de Matthieu et de Luc. Celle des critiques s’est échauffée dans les hypothèses rédactionnelles : Marc était-il l’une des sources des deux autres ? Au contraire, en était-il le résumé ? Quelles étaient ses sources à lui ? Pierre ? Paul ? La tradition le met en relation avec les deux. Que sait-on au juste de lui ? Une chose au moins était (presque) sûre : il n’avait pas connu Jésus – encore que l’on n’a pas manqué de l’identifier avec le jeune homme anonyme qui s’enfuit du jardin de Gethsémani lors de l’arrestation de Jésus (Mc 14,51).
Le présent dossier n’a pas pour but de donner un aperçu des recherches récentes sur la rédaction de l’évangile. Cependant, le contexte historique n’est pas oublié – en particulier celui du terreau juif de la prédication du Royaume. Dans la lignée des études sur le récit qui se développent depuis une trentaine d’années, c’est l’art de raconter de Marc que l’auteur, Camille Focant, nous invite à regarder de près. Il y a quelques années, il a rédigé un commentaire qui reste une référence et, plutôt que de résumer son propos, il a préféré donner ici cinq clés de lecture : le cadre narratif, l’intrigue, la question de la loi de Moïse, l’importance des lieux et le sens de la Passion. En perspective : mieux comprendre le regard que Marc porte sur Jésus « le Nazarénien » (Mc 16,6) défini d’emblée comme « Christ, Fils de Dieu » (Mc 1,1). De ce point de vue, bien que les Cahiers Évangile aient déjà abordé plusieurs fois l’évangile de Marc, les cinq clés se révèlent efficaces. Celles et ceux qui, au cours des dimanches de l’année liturgique dite « B », vont entendre les extraits de l’évangile de Marc, les écouteront avec une attention renouvelée. S’ils veulent aussi les étudier, personnellement ou en groupe, ils trouveront là un remarquable outil.
Parmi les ouvrages recensés en fin de ce Cahier, il en est un, de l’écrivain italien Sandro Veronesi, qui est consacré à Marc. Sur bien des points, l’exégète et le romancier se séparent, mais l’un et l’autre mettent en valeur les techniques narratives d’un récit finalement assez subtil.
Avant les recensions, nos lecteurs trouveront un article qui les étonnera peut-être. M. Stefan Munteanu, orthodoxe, présente le psautier grec de la Septante. Aujourd’hui, les catholiques et les protestants préfèrent le psautier hébreu – ce qui, dans la liturgie, ne manque pas de créer quelques perturbations puisque les textes du Nouveau Testament le citent selon le grec !
Cahier Évangile n° 181
96 pages, SBEV/Éd. du Cerf, septembre 2017 (9 euros)
Sommaire du numéro
DOSSIER : Marc: cinq clés de lecture
par Camille Focant
Paradoxal et ironique, le récit de Marc ne cesse de secouer son lecteur qui doit quitter ses évidences premières pour entrer dans un nouveau monde, celui du règne de Dieu. Plutôt qu’une lecture suivie du texte, ce dossier a choisi de s’arrêter sur quelques épisodes significatifs. Ils constituent cinq clés : le cadre narratif de l’évangile (commencement et fin de l’œuvre), le tissage des intrigues de résolution et de révélation, la conception de la loi et le système de pureté, la conception de l’espace (maison, synagogue, Temple, tombeau), le sens de la Passion. La vérité de Jésus « Christ, Fils de Dieu » s’y propose au lecteur sans s’imposer.
p. 4 – Introduction
Le créateur du genre littéraire "évangile"
La structure du récit évangélique
L'approche de ce Cahier Evangile
p. 12 – I – Le cadre narratif de l'évangile
Le prologue de Marc
La manière de finir l'évangile
p. 24 – II – L'intrigue de l'évangile et la christologie de Marc
L'intrigue de résolution
L'intrigue de révélation
Jésus insaisissable
p. 37 – III – La loi comme bonne nouvelle?
Les accents de la rédaction marcienne de Mc 7,1-23
Mc 7,1-23 et le système de pureté des adversaires de Jésus
Conclusion
p. 50 – IV – Vers une maison de prière pour toutes les nations
Jésus et le Temple (hieron) (11-13)
Jésus et le sanctuaire (naos) (14-15)
La place du Temple dans le code architectural en Marc
p. 64 – V – Eclairages sur le sens de la Passion
L'onction à Béthanie (14,3-9)
Repas d'alliance (14,17-25) / banquet anti-alliance (6,14-29)
L'agonie à Gethsémani (14,32-42)
Conclusion
– Liste des encadrés
Marc selon Papias
Possessions et exorcismes
Fils de l’homme
Dix degrés de sainteté selon la Mishna, traité Kélim 1,6-9
Les sources d’impureté selon le traité Kélim 1,1-3
Face à la Passion : vues de Dieu et vues des hommes
Hypothèse de deux couches littéraires en Mc 14
p. 77 – Pour continuer l’étude
Actualités
p. 78 – Le Psautier de la Septante
Dans l’Église orthodoxe, comme dans toutes les Églises orientales, le texte de la Septante (= LXX) reste aujourd’hui en usage dans les célébrations. Cela est valable surtout pour le Psautier qui, à côté des Évangiles, représente le livre le plus utilisé. Par ailleurs, rappelons que le Psautier de la LXX a été employé dans la liturgie latine romaine jusqu’au siècle dernier par le biais de la traduction de la Vulgate. Quant aux traductions contemporaines, elles se réfèrent au texte de la LXX lorsque le texte hébreu présente des difficultés. Une présentation du Psautier de la LXX s’avère donc importante pour le comprendre dans son originalité et dans ses divergences avec celui de la Bible hébraïque
Par Stefan Munteanu, Professeur à l'Institut orthodoxe Saint-Serge, à Paris.
p.87 - des livres
• Michel Berder, Sophie Ramond, Pour lire et prier les Psaumes LIRE CETTE RECENSION
• Jean-Luc Vesco, o.p., Psaumes. Dieu de miséricorde célébré par des hymnes et des supplications LIRE CETTE RECENSION
• Sandro Veronesi, Selon saint Marc LIRE CETTE RECENSION
• Andreas Dettwiler, Dans les coulisses de l’Évangile. Conversations avec Matthieu Mégevand LIRE CETTE RECENSION
• Jean-Pierre Lémonon, Pour lire la première lettre aux Corinthiens LIRE CETTE RECENSION
• Giovanna M. Porrino, L’Unité LIRE CETTE RECENSION
p.94 - Brèves