Le livre du mois :
Jean-Pierre LEMONON, Paris, Médiaspaul, 2022, 16 € .
Les Éditions Médiaspaul pour-suivent cette belle collection qui permet de pénétrer l’univers des écrits de l’apôtre Paul. Après, entre autres, le travail et l’argent, la mission, voici le Christ. Cet ouvrage est à mettre dans toutes les bibliographies tant il analyse avec précision tous les textes de Paul qui permettent de partager avec l’Apôtre son regard sur le Christ. Chacun de ces textes est analysé pour lui-même, mais également remis dans son contexte historique et rhétorique. Malheureusement il manque un index, même succinct, à la fin de l’ouvrage pour pouvoir retrouver les différentes péricopes analysées.
À la question posée en sous-titre (« Paul a-t-il cru en la divinité de Jésus ? »), la réponse est clairement positive, le sixième et avant-dernier chapitre le montre clairement et simplement, sans tomber dans l’anachronisme. Jean-Pierre Lémonon fait le choix méthodologique de ne prendre en compte que les lettres qu’il considère comme authentiquement pauliniennes ; sont donc écartées les lettres aux Hébreux, aux Éphésiens, aux Colossiens et les trois Pastorales. Le plan d’ensemble de l’ouvrage est déjà riche d’enseignements : il établit le lien entre l’expérience de la justification, de la sanctification et celle du salut (comme trois étapes allant de la révélation du Christ à la rencontre eschatologique ; voir p. 59) et la personne de Jésus, dont Paul ne manque jamais de souligner l’humanité. Ainsi, solidaire de toute l’humanité et source du salut, le Christ ouvre à l’universel la bénédiction divine, par le renversement que produit la croix. Cette malédiction n’en est plus une (voir p. 24-26).
Le dernier chapitre montre de manière fort pertinente que Paul rend compte des relations entre le Christ, son Père et l’Esprit ; sans celles-ci, la personne de Jésus ne peut être comprise.
La comparaison entre le Christ et Adam est longuement explorée tout en étant mise en parallèle avec les exégèses juives du Ier siècle, notamment celle de Philon (voir p. 74-77). « La christologie adamique insiste sur l’humanité du Christ, c’est bien un humain, Jésus Christ, qui, par sa mort et sa résurrection, donne le salut à tous les hommes ; il est source de la justification » (p. 84). L’hymne aux Philippiens (Ph 2, 5-11) est présenté dans cette perspective d’une christologie adamique.
Dans le cadre de cette solidarité, mise en avant avec insistance, l’auteur analyse la notion de substitution: le Christ est mort pour nous. «Il ne s’agit pas de nier l’idée de substitution mais plutôt de reconnaître que celle-ci ne se comprend pas, indépendamment de l’idée de solidarité qui la fonde» (p. 91). Pour cela, l’emploi des prépositions huper («en faveur») et dia (« pour ») est soigneusement distingué (p. 98 particulièrement). Cette solidarité du Christ avec le genre humain et en sa faveur fonde la vie fraternelle de ceux qui croient en lui.
Le fruit le plus important à la lecture de cet ouvrage réside dans l’attention qu’il porte à la manière dont Paul nomme le Christ: Jésus, le Christ, Jésus Christ, le Seigneur Jésus, le Seigneur Jésus Christ (voir tableau p. 120). Chacune de ces expressions est en elle-même riche de sens et nous invite à porter un regard spécifique sur le Fils de Dieu.
Éric Morin