Le livre du mois :
Yves-Marie Blanchard, Contre le cléricalisme, retour à l’Évangile. Salvator, Paris, 2023, 16 €.
Ayant pris sa retraite académique, Yves-Marie Blanchard propose régulièrement des études portant sur différents thèmes du Nouveau Testament ; chacun de ces travaux propose à son lecteur, de regarder autrement la situation de la vie de l'église contemporaine. Il y a peu c’était la place des femmes dans le Nouveau Testament. Ici, le titre est clair, il s’agit de sortir du cléricalisme.
Le projet de l’auteur est simple, relire quelques textes du Nouveau Testament pour venir contester certaines pratiques de l’Église contemporaine. La simple lecture de la table des matières donne un aperçu du projet, voici quelques titres de chapitres. Ne dites à personne : Père (Mt 23, 9). Il n’y a pas de masculin et féminin (Ga 3, 28). Et maintenant, vers la synodalité…
Le chapitre qui nous a semblé être le plus beau novateur est celui intitulé « Douze, qu’il nomma aussi apôtres » (Lc 6, 13). Pour notre auteur, le cléricalisme semble trouver aussi sa racine dans la confusion faite entre les apôtres et les Douze, l’expression les Douze apôtres n’étant finalement que marginale dans l’ensemble des écrits du Nouveau Testament.
L’analyse minutieuse permet de mettre en avant que : Les Douze se trouvent (…) à la charnière des disciples, dont ils font partie, sans en épuiser le nombre, et des apôtres, dont ils sont aussi les premiers, non les seuls, comme le montreront les activités missionnaires de Philippe, l’un des Sept (Ac 8), aussi bien que de Paul et ses compagnons (à partir d’Ac 13 et, bien sûr, au témoignage des épîtres pauliniennes) (p. 49). Il appert ainsi que l'institution de Douze et leur fonction occupent une place momentanée dans la vie de l’Église : Indispensables donc, au tout début de l’Église, les Douze laissent vite la place aux apôtres, étant d’ailleurs eux-mêmes les premiers à s’engager sur le terrain de la mission, justement, dit « apostolique » (p. 51-52). Quelle est cette spécificité : l’Évangile selon Mathieu, assigne (…) au Douze, une fonction eschatologique, à savoir le gouvernement des Douze tribus d'Israël, au-delà de l’histoire (p. 53).
On devine rapidement combien ses observations viennent à changer notre regard sur la place des ministres ordonnés dans la vie de la communauté chrétienne : une telle ouverture du champ d’observation serait sans doute en état de faire bouger un peu les lignes au sein d’un modèle ecclésial, encore trop souvent, teinté de cléricalisme (p. 56).
Éric Morin.