Mercredi des cendres
Jl 2, 12-18 :
Dans une époque qu’il est difficile de déterminer avec précision, le prophète Joël invite le peuple à vivre une liturgie de pénitence. Il propose de faire comme on procède habituellement pour une telle démarche : sonner du cor afin de rassembler le peuple, prescrire un jeûne afin que chacun puisse se préparer intérieurement. D’autres gestes qui ne sont pas ici mentionnés accompagnaient l’invitation à cette célébration : se couvrir de cendres et déchirer ses vêtements.
De telles pratiques ont une histoire et un enracinement culturel. En effet, quand un vassal du roi d’Assyrie voulait exprimer sa soumission, il s’approchait de celui-ci couvert de cendres et les vêtements déchirés. C’est donc ainsi qu’on réclame de pouvoir bénéficier d’une alliance, d’un retour en grâce. Cet enracinement culturel indique bien ce qu’est une liturgie pénitentielle : une supplication en reconnaissant que si le Seigneur Dieu n’accepte pas d’offrir à son peuple l’alliance, celui-ci ne pourra vivre !
Mais le prophète Joël met en garde : les simples gestes extérieurs ne suffisent pas : c’est le coeur qu’il convient de déchirer ; pas uniquement les vêtements !
Ps 50 :
C’est avec un coeur brisé, déchiré selon l’image du prophète Joël, que le psalmiste s’adresse à Dieu en sollicitant le pardon. Aussi est-il disposé pour demander que son esprit soit renouvelé et raffermi.
L’esprit de l’homme dont il s’agit ici est cette capacité que Dieu a donnée à chacun, dès le commencement, afin que tous soient capables de recevoir l’Esprit de Dieu par lequel il est possible de vivre en sa présence.
Tout péché, toute désobéissance à Dieu, est une altération de l’esprit de l’homme qui est en nous ; rechercher le pardon, revient à demander la restauration de cet esprit par lequel nous serons capables d’accueillir l’Esprit de Dieu qui unit au Fils, conduit vers le Père et qui donne de la paix.
2 Co 5, 20 – 6, 2 :
Pour nous réconcilier avec Dieu, Paul nous invite son lecteur à fixer les yeux sur Jésus, lui qui n’a pas connu le péché, qui n’a pas laissé avoir prise sur son existence cette force qui oppose à Dieu. Pour autant sur la croix, Dieu l’a identifié au péché. Ces propos de Paul sont paradoxaux ! L’apôtre choisit à dessein une formule qui ne peut pas ne pas alerter ; ainsi le lecteur butant sur cette expression entre dans la méditation sur ce qui est effectivement advenu dans la mort sur la croix, de celui que le Père a relevé d’entre les morts.
Le visage du crucifié fait voir deux choses simultanément : et l’amour dont nous sommes aimés et pardonnés ainsi que le péché qui défigure et déconstruit toute personne. Ainsi, progressivement, dans la méditation, la réalité du pardon, du retour en grâce, ne prend que plus de poids.
Mt 5, 1-6 ; 16-14 :
La plupart des religions de par le monde proposent trois gestes : l’aumône, la prière et le jeûne. Le croyant est ainsi placé dans une triple relation : avec le prochain dans l’exigence du partage, avec Dieu à qui nous parlons et que nous écoutons, avec son propre corps que l’on maîtrise pour pouvoir l’offrir.
Le judaïsme propose lui aussi cette triple pratique. La spécificité de l’enseignement de Jésus réside dans l’exigence de la discrétion et du secret. Il s’agit en premier lieu d’un critère d’authenticité : ces gestes ne sont pas faits en vue d’obtenir la gloire qui vient des hommes, mais pour vivre sous le regard de Dieu.
Le plus étonnant des propos de Jésus réside dans cette affirmation de la présence du Père dans le secret. Ainsi, les exigences de discrétion que propose Jesus sont avant tout la promesse d’une rencontre avec le Père lui-même.