Premier dimanche de Carême A
Gn 2, 7-9 ; 3, 1-7a :
Sous la forme du conte, le récit biblique raconte l’histoire de l’humanité aux prises avec la parole de Dieu et à son interprétation. Pour quelle raison Dieu demande-t-il à Adam et à sa femme de ne pas manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ? Dieu estime qu’Adam et sa femme seront capables de trouver les réponses nécessaires dans l’écoute de sa Parole.
Pourtant, à cette question, le serpent répond : « Dieu veut se protéger de vous. Il a peur que vous soyez comme lui et donc vous empêche l’accès à la divinité en vous interdisant d’avoir la connaissance du bien et du mal ».
D’où le serpent tire-t-il de toutes ces informations ? Qu’est-ce qui lui permet de dire cela ? Pourquoi Dieu aurait-il pu créer Adam et sa femme s’il avait eu peur de sa créature ? La convoitise, qui rend désirable ce qui est défendu, tétanise Adam et sa femme qui vont alors se saisir du fruit et désobéir à Dieu.
Pourtant, la parole de Dieu est une parole prévenante : elle prévient, elle accompagne ; le serpent quant à lui n’a pas de paupières et donc ne peut ni ne sait intérioriser, ainsi il n’accueille pas la parole de Dieu pour ce qu’elle, il en fait une loi dure et implacable.
Israël offre ce conte des origines pour livrer à l’humanité tout entière le fruit de son expérience et de son propre combat afin d’écouter fidèlement la parole de Dieu.
Ps 50 :
« Seigneur ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange ». Dans ce psaume, le pécheur – pénitent demande à Dieu d’être pardonné pour pouvoir être restauré dans sa vocation à louer Dieu. Par son expression, il sous-entend que le péché clôt les lèvres. Ne pas savoir écouter la parole de Dieu pour ce qu’elle est (cf. la Première lecture), conduit à ne pas savoir parler comme il convient, c’est-à-dire faire de toute parole une attestation de la fidélité de Dieu.
Rm 5, 12-19 :
Ce texte est fort difficile et il servit à Saint-Augustin notamment pour fonder la doctrine du péché original dans l’Église catholique. Paul procède ici à une relecture du Livre de la Genèse. Il y cherche une annonce de la venue de Jésus-Christ et de sa mission. Il le fait par mode de contraste : la désobéissance d’Adam est opposée à l’obéissance de Jésus. Plus encore, pour Paul, le récit de la désobéissance d’Adam est mû par une espérance : celle d’une obéissance absolue que Paul confesse être réalisée en la personne de Jésus. Cette lecture, typiquement chrétienne, produit un effet sur le texte du Livre de la Genèse, il est historicisé : Adam et son épouse sont comparés à Jésus, dont la croix est un événement historique ; par effet de symétrie, Adam et son épouse deviennent des personnages historiques. Il y a eu un moment dans l’histoire de l’humanité où la désobéissance à la parole de Dieu changea le cours des choses.
Mt 4, 1-11 :
À travers le danger du désert et de ses épreuves, le récit des tentations de Jésus nous présente l’absolue obéissance qu’il déploya tout au long de son existence. Aussi, juste après le baptême durant lequel le Père le désigna comme son fils bien aimé, par trois fois, le diable dit à Jésus : « Puisque tu es le Fils de Dieu, profites-en… Profites-en pour toi-même et nourris-toi ; profites-en pour épater tout le monde en faisant quelque chose d’extraordinaire : sauter du haut du Temple ; profites-en pour prendre le pouvoir, ce sera plus simple ». En fait, toutes ces actions auraient été pour Jésus l’occasion d’asseoir son emprise sur les foules et d’exercer un pouvoir qui ne viendrait pas de son Père.
Jésus répond au diable en ayant faim, mais il sait que sa faim est une faim de la parole de Dieu ; si celle-ci est une promesse de protection et de bénédiction, il convient de la servir et non pas de s’en servir ; pour cela, elle doit d’abord arracher son auditeur à toute idolâtrie.
Le débat entre Jésus et le diable est un débat sur l’interprétation des Écritures et sur les qualités requises pour les interpréter correctement. C’est dans sa posture filiale à l’égard de Dieu que Jésus ne donne aucune prise aux interprétations fallacieuses qui depuis le récit des origines empêchent la bénédiction divine d’habiter le cœur de tous.