Mercredi des cendres A
Jl 2, 12-18 :
Le temps du carême est une démarche personnelle, voire intime, et l’Évangile de ce mercredi des cendres nous appelle à le vivre ainsi. Mais dans la première lecture extraite du prophète Joël, la démarche de pénitence nous est présentée comme un cheminement communautaire. C’est ensemble que nous sommes invités à exprimer, par la liturgie, que nous sommes pécheurs : nous avons manqué à notre promesse, à la parole de Dieu, à Dieu lui-même.
Les gestes liturgiques sont une action qui nous aide à adopter cette juste attitude devant Dieu : la prière et la démarche des uns encouragent la prière et l’engagement de chacun et de tous. Mais les gestes liturgiques sont également un appel à ceux qui ne sont pas venus : nous rendons célèbre, par notre démarche, la miséricorde de Dieu qui accepte de donner encore sa bénédiction à ceux qui s’en sont détournés.
Ps 50 :
Contre toi et toi seul j’ai péché : il est facile de concevoir le péché comme une offense faite à notre prochain ; l’affirmation de ce psaume de pénitence consiste à dire que toute offense contre le prochain est également une blessure infligée à Dieu. Pour deux raisons : d’abord parce que le péché est une désobéissance à la parole de Dieu qui nous invite à aimer le prochain. Mais aussi, et peut-être surtout, parce que le prochain est aimé de Dieu et que Dieu est atteint quand on blesse quelqu’un qu’il aime.
2 Co 5, 20 – 6, 2 :
Jésus n’a pas connu le péché ; cela veut dire bien sûr qu’il n’en a jamais commis aucun, n’ayant jamais désobéi au Père. Mais cela dit davantage : Jésus n’a jamais connu le monde, en laissant prise à cette force qui détourne de Dieu. Nous entendrons dimanche prochain le récit des tentations, mais justement dans son refus à se soumettre à ces injonctions qui ne viennent pas du Père, Jésus continue de regarder le monde et ceux qui l’habitent comme le don du Père qu’il doit protéger et renouveler. Dans cette absence de péché, la croix prend une dimension encore plus paradoxale : crucifié, Jésus expose, au regard de tous, la conséquence de notre péché : la défiguration de notre humanité, la mort. Celui qui n’a pas connu le péché a été identifié au péché en portant les conséquences de notre péché et nous offrant une autre voix pour vivre : celle de la justice qui commence par accueillir la vie dans l’obéissance à la parole qui donne la vie.
Mt 6, 1-6. 16-16 :
Le hasard du calendrier liturgique fait que nous entendons pour ce mercredi des cendres la suite directe de l’Évangile que nous avons proclamé dimanche dernier. Après avoir présenté, dans ces fameuses antithèses, son interprétation de la loi, Jésus invite maintenant ses disciples à pratiquer leur religion de manière juste. Pour lui, justice et intériorité vont de pair. Toute théâtralisation de la vie de foi expose qui la pratique à l’accusation d’hypocrisie.
Pour un pharisien, pratiquer les commandements, c’est, entre autres choses, en vue de rendre visible la sagesse de Dieu qui donne à Israël ces pratiques et ces coutumes. L’obéissance aux commandements doit être visible. Même si certains maîtres pharisiens critiquaient déjà les excès auxquels une telle conception peut conduire, la position que Jésus défend apparaît vraiment singulière.
La pratique de la justice n’est donc pas une capitalisation pour obtenir une récompense dans le monde à venir ; selon Jésus, elle est une promesse, celle de vivre dès maintenant sous le regard du Père. Si justice et intériorité sont inséparables, c’est parce que, tenues ensemble, elles rendent possible la rencontre présente avec le Père.
Au début de ce carême, nous allons choisir des gestes de partage, nous allons décider de moments de prière, communautaires ou personnels, nous allons décider de nous priver, de nous abstenir de telle ou telle chose que nous affectionnons ; nous répondrons à l’appel que la liturgie nous lance : les yeux fixés sur Jésus-Christ, entrons dans le combat de Dieu. Il nous faut en pratiquant aumône, prière et jeûne, contempler Jésus qui vit cela pour que nous vivions avec lui.