Cette séquence ouvre l’exposition quelque peu attendue de ce que signifie « grand-prêtre » pour Jésus...

Cette séquence ouvre l’exposition quelque peu attendue de ce que signifie « grand-prêtre » pour Jésus. Et de fait elle commence par une sorte de définition générale : Tout grand-prêtre… est… Notons que la séquence s’achève par une particularisation de cette définition, puisque la dernière ligne indique que Jésus est grand-prêtre à la manière de Melkisédeq. La définition du grand-prêtre, sur les trois lignes du v. 1, donne deux caractéristiques : le grand-prêtre est établi, et son rôle est d’offrir. La première caractéristique touche à sa désignation, à sa mise en place : elle est reprise à la fin de l’unité, dans les trois lignes des v. 8-10, sous les termes il devint et proclamé (et peut-être aussi : conduit à son accomplissement). Si la définition du v. 1 n’explique pas encore comment le grand-prêtre est établi, sinon qu’il est pris d’entre les hommes, par contre la description des trois derniers versets est tout à fait explicite sur la désignation de Jésus comme grand-prêtre : du fait qu’il est fils, du fait qu’il a appris l’obéissance, il a été proclamé grand-prêtre – la qualification « à la manière de Melkisédeq » restant à éclaircir. Cependant, tout grand-prêtre et le grand-prêtre Jésus sont établis en faveur des hommes, ce qui signifie en Jésus : pour un salut éternel.

La séquence 5,1-10 ouvre la réflexion sur le grand-prêtre. Nous venons de voir les liens entre le début (définition générale) et la fin (définition en fonction de Jésus) de la séquence. On est conduit vers une disposition concentrique :

1 Tout grand-prêtre… est établi… offre
     2-3  [le grand-prêtre] offrir – des sacrifices
          4-6 appel et honneur – Aaron, le Christ
     7   [le Christ] offrir – prières et supplications
8-10 tout fils qu’il est… grand-prêtre à la manière de Melkisédeq

Les v. 2-3, d’une part, pour ce qui concerne tout grand-prêtre, et le v. 7, d’autre part, pour ce qui concerne le Christ, reprennent la seconde caractéristique du grand-prêtre : sa fonction d’offrir. Tout grand-prêtre est proche des hommes, il a pour eux de la compréhension, sinon de la miséricorde, à cause de la faiblesse qu’il partage avec eux, et en raison de celle-ci, il doit offrir des sacrifices. Le Christ, lui, dont nous savons qu’il est en tous points semblable aux hommes, qu’il ne rougit pas et n’a pas honte de les appeler frères (cf. 2,5-18) – et c’est de là qu’il est miséricordieux et digne de foi –, le Christ a offert prières et supplications, et il a été exaucé. Telle est, ici encore, une différence entre tout grand-prêtre et le Christ grand-prêtre.

Un mot doit être expliqué : à cause de sa soumission. Traduire ainsi induit de comprendre que le Christ a été exaucé parce qu’il a été soumis – ce qui est en partie juste, mais en partie seulement… Le terme grec eulabaeia signifie « discrétion », « retenue », « mesure ». Littéralement, il renvoie au fait de « bien (eu) prendre (labein) » les choses. D’où le sens de « piété », « respect » pour le rapport avec la divinité. On pourrait alors dire : le Christ a été exaucé pour son offrande parce qu’il a « bien pris » ce qui se présentait à lui – ce qui est de plus de poids que simple soumission.

Alors que les v. 7-10 constituent une sorte de petit kérygme sur la passion et la résurrection du Christ – passion qui fût douloureuse, angoissante, mais aussi humiliante –, les v. 4-6 au milieu de la séquence sont en contraste fort, puisqu’ils parlent de l’honneur attaché à la fonction de grand-prêtre. Cet honneur est reçu, puisqu’on est établi grand-prêtre par un appel, donc par un autre : ce fut le cas d’Aaron, et c’est le cas pour le Fils-Christ, comme le montre la jonction des Ps 2 et 110.

 

© Jean-Marie Carrière, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 151 (mars 2010), "Tenez bon ! Relire la Lettre aux Hébreux", pages 21-22.