Ce chapitre commence à traiter de ce que fait le grand-prêtre, de son action ou de son office...

Ce chapitre commence à traiter de ce que fait le grand-prêtre, de son action ou de son office, après qu’on a réfléchi sur la manière dont il était institué. Cette action est un office liturgique : les mots grecs traduits par ministre (v. 2), officier, faire (v. 5) et ministère (v. 6) font référence à l’action liturgique. À partir du v. 6, nous apprenons qu’il s’agit d’une liturgie d’alliance, alors que dans les versets précédents, l’action principale (liturgique, toujours) du grand-prêtre était d’offrir quelque chose – ce qui ne renvoie pas d’emblée à une liturgie d’alliance, mais plutôt à la liturgie du Yom Kippour (Lv 16). La citation de Jr 31, longue, aux v. 8-12, sera à nouveau reprise, de manière plus courte, en 10,16-17 ; cette citation donne le ton de toute la partie de la lettre qui explicite l’action du grand-prêtre, puisqu’elle l’encadre. De cette manière, le discours place clairement l’action de Jésus comme grand-prêtre dans le cadre de l’alliance nouvelle dont parle Jérémie, ce cadre d’alliance assumant en l’intégrant, si l’on peut dire, la liturgie majeure du système lévitique, à savoir l’offrande au jour du Yom Kippour ; car le point commun aux deux – à l’alliance nouvelle de Jérémie, et à la liturgie de Kippour, c’est la rémission des péchés (cf. 10,18 et Jr 31,34 cité en 8,12 et 10,17). Ainsi, Jésus comme grand-prêtre officie dans une liturgie d’alliance dont la visée est la rémission des péchés (relire le prologue), et l’acte central de cette liturgie est une offrande.

Nous avons déjà été avertis, pour ce qui concerne la manière dont il est institué, que le grand-prêtre Jésus était différent (meilleur, nouveau) du grand-prêtre du système lévitique. La lettre continue à expliciter ce contraste, ici selon un schème spatial d’abord, puis selon un schème temporel, qui constituent le cadre de l’action liturgique de Jésus.

Cadre spatial : le Christ est assis dans les cieux, et en ce « lieu » se trouvent le vrai sanctuaire et la vraie tente, où il officie ; sur terre, des prêtres officient (ceux du Temple), et il s’agit d’une image ou d’une esquisse des réalités du ciel. Notons, pour l’instant, la lettre y reviendra, que le contraste est entre les cieux où sont les vraies réalités, et la terre où se trouvent des réalités – celles que l’on voit être effectuées dans la liturgie d’ici-bas – qui sont image, esquisse des (vraies) réalités au ciel ; c’est l’Écriture elle-même qui avait posé cette distinction, selon Ex 25,40 cité au v. 8.

Cadre temporel : l’alliance nouvelle dont le Christ est l’officiant et dont parlait Jr 31 remplace la première alliance, entendons celle du Sinaï avec Moïse. Notons bien la manière dont la lettre parle : c’est parce que l’alliance nouvelle apparaît avec le Christ dans le réel de notre histoire, et devient le régime effectif, que l’alliance sur le régime duquel on vivait jusqu’au Christ devient ancienne, on prend conscience qu’elle n’était pas parfaite (sans reproche), et elle est vouée à disparaître.

Ainsi, l’action liturgique qu’effectue le grand prêtre qu’est Jésus est d’une part inscrite dans la dynamique d’une alliance nouvelle – et, on va le voir, définitive – en laquelle nous pourrons nous approcher de Dieu car nous serons pardonnés de nos péchés ; d’autre part, elle relève.


© Jean-Marie Carrière, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 151 (mars 2010), "Tenez bon ! Relire la Lettre aux Hébreux", pages 35-36.