Dès le début du récit des Actes, Pierre prend le devant de la scène d’une manière tout à fait solennelle...
Dès le début du récit des Actes, Pierre prend le devant de la scène d’une manière tout à fait solennelle (Ac 1,15-26). Pour le lecteur du premier livre – l’évangile –, la description de son comportement a un caractère inattendu : la figure de Pierre semble modelée sur celle de son maître.
L'autorité de son Maître
D’une part, en effet, l’expression « En ces jours-là » rappelle l’introduction du choix des apôtres par Jésus en Lc 6,12, d’autre part, le fait que Pierre se lève pour prendre la parole correspond à la posture de Jésus entrant dans la maison de Simon en Lc 4,38. En outre, il se lève « au milieu des frères », tel Jésus trouvé par ses parents « au milieu des docteurs » (2,46), ou se trouvant « au milieu des Onze et de leurs compagnons » en Lc 24,36. La mention d’une « foule » rassemblée autour de lui en un même lieu fait également partie des indices fournis au lecteur : Pierre se trouve en quelque sorte dans une situation qui reproduit de nombreuses scènes de l’évangile où Jésus s’adresse à des foules nombreuses. Le discours qu’il adresse alors à ses frères, pour leur expliquer la nécessité de remplacer Judas, le campe en figure d’autorité.
Ce premier épisode confirme donc ce qui s’annonçait dans l’évangile : Pierre incarne pleinement le pardon du Christ envers ceux qui l’ont abandonné. Enracinant dans l’Écriture sa décision de reconstituer le groupe des Douze, il manifeste ainsi son désir d’être à l’écoute de la volonté divine et de mener à bien la mission de témoignage reçue du Ressuscité.
Dans la puissance de l'Esprit
Comme dans l’épisode précédent, Pierre joue un rôle majeur dans le récit de la Pentecôte. Il apparaît d’abord dans son rôle de missionnaire des juifs, porteur, au nom du Dieu d’Israël, d’un message qui comporte une ouverture à l’universel, n’hésitant pas à intervenir pour guider la foule désorientée et lui permettre de comprendre le sens de l’événement. Il parle, cependant, en « nous », au nom des Douze, tandis que le récit signale la présence de ses compagnons. À nouveau, c’est à la lumière de l’Écriture qu’il interprète le miracle de la Pentecôte comme l’accomplissement des promesses de Dieu à son peuple. Il prend, par ce premier discours missionnaire, au cœur duquel se trouve la proclamation du kérygme (2,32), sa pleine dimension de témoin du Ressuscité.
Le chef de la communauté de Jérusalem
Dans la séquence consacrée au récit du ministère des apôtres à Jérusalem, Luc s’attache à souligner combien ces derniers, dans l’accomplissement de leur mission de témoignage, ne font rien d’autre que poursuivre la mission de leur Maître. Le procédé littéraire de la syncrisis (écriture en parallèle) auquel il recourt pour le signifier, et légitimer, de ce fait, l’activité missionnaire des apôtres, met tout particulièrement en valeur la figure de Pierre.
Omniprésent dans ces chapitres construits autour des trois confrontations avec les autorités religieuses, au rythme d’une violence de plus en plus grande, et culminant dans la mort d’Étienne, Pierre revient au premier plan du récit en Ac 9, juste après le récit du « retournement » de Saul sur le chemin de Damas. À Lydda, il guérit Énée, un infirme paralysé, et à Joppé, il ressuscite une veuve nommée Tabitha (9,32-42). On note au passage que se joue ici l’articulation des rôles de Pierre et Paul : la mission reçue par Paul sur le chemin de Damas ne naît pas en dehors de celle des apôtres. De fait, elle y est pleinement insérée (Saul devient un collaborateur des Douze en 9,28).
Le bref récit du premier miracle (9,32-35) montre que, par Pierre, la puissance salvifique de Jésus continue d’agir, conformément à la mission des Douze : « Il leur donna puissance et autorité sur tous les démons et il leur donna de guérir les maladies » (Lc 9,1). L’accent n’est pas mis sur la personne de Pierre pour elle-même car le narrateur vise simplement à dire le sens de la mission de Pierre par rapport à celle de Jésus : il est celui qui témoigne par ses paroles et ses actes de la puissance du Ressuscité.
La juxtaposition du deuxième épisode (9,36-42), où Pierre ressuscite Tabitha, confirme et renforce cet effet. Les deux épisodes se passent à l’intérieur de la communauté chrétienne. Pierre apporte le salut du Christ aux siens avant d’aller plus loin, de même que le ministère de Jésus s’est essentiellement déroulé dans le territoire d’Israël, même sa mission n’était pas limitée aux frontières du monde juif.
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