Dès le premier verset du chapitre 15, Jésus prend l’image de la vigne et la développe...

Lecture de Jn 15,1-17
[5e dimanche de Pâques, Année B, Jn 15,1-8 et 6e dimanche de Pâques, Année B, Jn 15,9-17]

La fin du chapitre 14 avec l’invitation de Jésus : " Levez-vous, partons d’ici " (14,31) marque bien la fin d’une section. Commence une deuxième partie. Dès le premier verset du chapitre 15, Jésus prend l’image de la vigne et la développe (15,1-11). L’accent est mis sur la joie et nous sommes dans un champ sémantique spatial. La deuxième section (15,12-17) de cette partie a pour centre le commandement de l’amour mutuel. Dans la troisième et dernière section (15,18 – 16,3), Jésus parle aux disciples de la haine du monde. La partie suivante commence en 16,4 où Jésus parle de l’heure et l’on passera ainsi du champ spatial à un champ temporel.

La liturgie de l’année B propose l’allégorie de la vigne (15,1-8) pour le 5e dimanche de Pâques et, le dimanche suivant, continue la lecture (v. 9-17) ; par contre, le jour de la Pentecôte, elle n’offre que les versets 26 et 27 combinés avec 16,12-15 pour avoir dans l’évangile du jour des paroles sur l’Esprit Saint.

Lecture d’ensemble
Dans la deuxième partie du discours d’adieu, nous trouvons d’abord l’allégorie de la vigne (15,1-11) qui aborde un thème différent de ce qui précède tout en y restant lié. Après avoir parlé de son départ, Jésus dit maintenant à ses disciples qu’ils peuvent demeurer en communion avec lui et en montre les conséquences.

Au centre de cette partie – qui est aussi le centre du discours d’adieu – se trouve la section sur l’amour mutuel (15,12-17) qui reprend le commandement nouveau déjà affirmé en Jn 13,34 après le départ de Judas. Le rappel des fruits que les disciples sont appelés à produire relie le passage avec la section antérieure sur la vigne. Dans la dernière section, (15,18 – 16,3), Jésus parle des difficultés que rencontreront les disciples dans le monde. Il les prépare à se maintenir fidèles dans les persécutions, comme lui l’a été.

Il y a une insistance sur le " je " de Jésus, uni au Père, et le " vous " adressé aux disciples. La dernière section mentionne le " monde " en tant que persécuteur des disciples, comme il l’a été de Jésus, mais se conclut sur le rôle du Paraclet qui relie le Père, le Fils et les disciples. Tout au long de cette partie, Jésus parle sans que les disciples n’interviennent.

Au fil du texte
1) Dans l’allégorie de la vigne, les équivalences sont données dès le début : Jésus s’identifie à la vigne, présente le Père comme le vigneron et les disciples comme les sarments. Cette image souligne le lien vital entre Jésus et les disciples (vigne et sarments) et une certaine indépendance entre le Père et le Fils (vigneron et vigne). Indépendance ne signifie pas individualisme, car en dehors de l’image de la vigne, Jésus insiste à nouveau sur l’amour existant entre le Père et le Fils : " le Père m’a aimé " (15,9).

2) Jésus est non seulement " la vigne ", mais " la vraie vigne ". L’article défini " la " signifiait déjà l’unicité de Jésus. En dehors de lui, il ne semble pas y avoir d’autres vignes. En précisant qu’elle est " vraie ", le Quatrième évangile souligne la réalisation des promesses de Dieu, comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises : la Parole est " la vraie lumière " (1,9), Jésus est " le vrai pain du ciel " (6,32), le jugement de Jésus est " vrai " (8,16).

3) Le vigneron fait deux opérations proches : " enlever " et " nettoyer " (littéralement : " purifier "). Il ôte les sarments stériles pour qu’ils ne prennent pas de sève. Il conserve et taille ceux qui portent du fruit pour qu’ils en portent davantage : tailler la vigne ne la détruit pas, mais permet l’abondance de la vie. Cela renvoie à la croix et aux persécutions que vont subir les disciples. Jésus en parlera un peu plus loin : loin d’empêcher la vie, les persécutions la font surgir avec davantage de force !

4) La mention des " fruits " rappelle le récit de la création. Quand Dieu crée les plantes et les arbres, il leur donne la possibilité de produire fruits et semences (Gn 1,11-12). Les animaux et les humains sont appelés à se multiplier : tout ce qui est créé l’est donc avec possibilité de porter la vie à son tour. La vie donnée par Dieu est une vie qui porte en elle des germes de vie. La création de Dieu est " bonne " et cette vie qui produit des fruits est une bénédiction. Jésus révèle à ses disciples que cela se réalise par l’union du disciple avec lui.

5) La fréquence du terme " demeurer " (dix fois en 15,1-10, plus une fois en 15,16 avec " votre fruit " comme sujet) montre son importance dans ce passage. " Demeurer " n’est pas simplement être " à côté " ou " avec ", mais être " en ". Le verbe n’indique pas un simple " rester " statique ou bien l’obligation de ne pas bouger d’un lieu, il marque l’union intime, l’inhabitation réciproque de Jésus dans les disciples et des disciples en Jésus. Il a une dimension dynamique de relation, d’écoute, de mise en pratique d’une parole reçue.

6) Après avoir mis l’accent sur la relation entre lui et ses disciples, Jésus les invite à l’amour mutuel ; un amour qui est à la mesure de celui de Jésus : " comme je vous ai aimés " (15,12). En disant qu’il n’y a pas de plus grand amour que de se dessaisir de sa vie pour ses amis, Jésus donne à nouveau une clé d’interprétation de la croix, tout en invitant ses disciples à suivre le chemin du Golgotha après l’expérience de la Pâque et la venue de l’Esprit.

7) Les disciples ne sont pas des esclaves tenus à accomplir des ordres, sans jamais être dans l’intimité et la confidence de leur maître. La relation que Jésus établit n’est pas de supérieur à inférieur. Ils sont des amis pour Jésus, des amis qu’il a choisis et à qui il transmet tout ce qu’il reçoit du Père. Le choix part d’une décision volontaire et libre. Il est orienté vers une amitié et un amour que l’on voit au plus haut point dans la fin de la déclaration : " …afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure " (v. 16). L’amour authentique est celui qui veut le bien de l’aimé(e) et accepte de ne pas le(la) retenir pour lui donner l’entière liberté de sa réponse.

8) Dans la troisième et dernière section de cette partie, Jésus introduit le " monde " et sa haine des disciples qui n’a d’égal que la haine qu’il a de Jésus. Le monde n’est cependant pas une réalité foncièrement mauvaise, que le disciple aurait à haïr à son tour pour prétendre vivre en croyant. Le monde est ici l’humanité qui a connu Jésus, mais qui l’a rejeté. Cependant, le disciple, qui est invité à aimer, ne peut pas condamner telle ou telle personne. L’enseignement est un appel à aimer et à accueillir vraiment Jésus. La venue du Paraclet, appelé ici " Esprit de vérité " (v. 26), témoigne en faveur de Jésus et contraste avec la haine du monde.



© Bernadette Escaffre, SBEV / Éd. du Cerf,Cahier Évangile n° 146 (décembre 2008) "Évangile de J.-C. selon St Jean. 2 – Le Livre de l’Heure (Jn 13–21)", pages 15-18..