“Vae victis” (« Malheur aux vaincus »), dit le proverbe...

“Vae victis” (« Malheur aux vaincus »), dit le proverbe ! La littérature rabbinique, qui fait mémoire de l’aventure suicidaire de Bar Kokba, aurait pu conspuer celui qui plongea la Palestine juive dans un bain de sang. Elle concentre davantage sa hargne sur Hadrien (« Que ses os soient réduits en poudre ! ») et se contente de critiquer les prétentions messianiques de l’Insurgé, qu’elles proviennent de lui-même ou de ses partisans.

Une prétention messianique

On sait peu de choses du héros sinon qu’il s’appelle bar (araméen) ou ben (hébreu) Kosiba, « fils de Kosiba ». Il s’agirait d’un nom de famille, famille par ailleurs inconnue, plutôt que de la désignation d’un lieu d’origine.

C’est ce nom qui apparaît dans la correspondance et autres documents retrouvés entre 1951 et 1960 dans le désert de Juda, plus particulièrement dans les grottes de Wadi Murabba’at où séjourna, à la fin de la lutte, un contingent des insurgés. La critique rabbinique déforme ce patronyme en Bar Koziba (« fils du mensonge »). Le surnom laudatif, Bar Kokba, connu des sources chrétiennes, signifie « fils de l’Étoile » et renvoie à une prophétie : « S’élève de Jacob une étoile » (Nb 24,17). Or, depuis la Bible grecque des Septante, en passant par les textes de Qoumrân et le Targoum, cet oracle s’interprétait comme visant la venue du Messie.

Ainsi, la lutte bouillait d’une fièvre messianique et le personnage pouvait vraisemblablement se réclamer d’une ascendance davidique. Certes, les monnaies de bronze et d’argent frappées au long des trois années et demie de la guerre n’affichent pas le titre de Messie, mais simplement Sim(é)on, le prénom de Bar Kosiba. Toutefois, se rencontre une apposition occasionnelle : « Siméon, prince (nasi) d’Israël. » Or, depuis Ézéchiel (34,24) et dans les textes de Qoumrân, ce titre désigne le Messie. Soit seul, soit associé à Simon, se lit parfois « Éléazar le prêtre ». Faute d’autres candidats fiables, cet Éléazar pourrait être Éléazar de Modîn, présenté par le Talmud comme un oncle de Bar Kosiba, ce qui laisserait entendre qu’une partie du sacerdoce participa à la lutte.

Libérer Jérusalem

Quelques pièces de l’époque représentent la façade du Temple surmontée d’une étoile. On trouve aussi ces légendes : « An un de la rédemption (“ge’ûllah”) d’Israël », « An deux de la liberté (“hérût”) d’Israël ». Ainsi s’affiche clairement un projet de libération et le mot “ge’ûllah” rappelle, par recoupement avec le vocabulaire biblique, l’antique libération du joug égyptien. D’autres pièces portent le simple mot « Jérusalem », mais certaines précisent le sens : « Pour [de ?] la liberté de Jérusalem ».

Là commence le débat : durant la guerre, les insurgés auraient-ils conquis pour un temps Jérusalem ? ou bien ces inscriptions reflètent-elle seulement un projet qui ne se réalisa pas ? L’impossibilité de résoudre vraiment cette alternative montre combien il est difficile de cerner les faits.


© Claude Tassin, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 144 (juin 2008), "Des fils d'Hérode à la 2e Guerre juive", p. 45-46.