Saül était le roi que le peuple avait demandé pour lui. David sera un roi pour le Seigneur...

Saül était le roi que le peuple avait demandé pour lui (8,5.19). David sera un roi pour le Seigneur. Celui-ci ne dit-il pas à Samuel, en venant le chercher chez lui pour une nouvelle mission : "J'ai vu pour moi un roi parmi ses fils" (16,1), et : "Tu oindras pour moi celui que je te dirai" (v. 3) ? Tout, d'ailleurs, dans cette scène indique que le nouvel élu sera à l'opposé de Saül.

Pour qu'on puisse comparer les deux hommes, il faut des points communs. C'est ainsi que tous deux sont sacrés rois par Samuel sur un ordre divin, les gestes de l'onction étant similaires (16,3 et 13, voir 9,16 et 10,1). De même, le contexte de l'élection est de part et d'autre un repas sacrificiel (16,5 et 9,12-13.22-24). Les deux récits se rejoignent donc sur l'essentiel, signe qu'il s'agit bien d'un changement de roi, le nouveau oint remplaçant le premier. Bref, en donnant l'onction à David Samuel consacre définitivement le rejet de Saül (16,1).

Mais c'est surtout le contraste entre ces deux rois que le récit met en relief. À ce propos, le changement de regard que le Seigneur impose à Samuel est éminemment significatif (v. 7b). Car, s'il s'était présenté à Saül comme "le voyant" (9,19), il s'avère être à présent un bien piètre voyant ! Spontanément, en effet, les yeux du prophète se posent sur celui qui par sa stature et sa haute taille, ressemble le plus à Saül : Éliab. Mais le Seigneur le "rejette", comme un nouveau Saül (v. 67a) de même qu'il refuse de choisir ceux que leur père présente d'abord et dont le narrateur dira plus loin qu'ils suivent Saül à la guerre (v. 8-9, voir 17,13). L'élu, c'est le cadet oublié dont personne n'a imaginé un instant qu'il pourrait faire l'affaire. Car on ne peut imaginer plus opposé à Saül que ce gamin aux beaux yeux et au joli minois, d'autant qu'on le dit berger tout le contraire d'un guerrier (v. 11-12). Ainsi, le choix du Seigneur semble se porter sur celui qui n'a aucun titre à faire valoir pour revendiquer la royauté, de sorte que nul ne puisse oublier qu'il la tient du Seigneur et de son Esprit (v. 13).

© André Wénin, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 89 (Septembre 1994), « Samuel, juge et prophète. Lecture narrative », p. 66.