La semence est semée. Le semeur en est Jésus...

La semence est semée. Le semeur en est Jésus. La semence représente son enseignement. L'image d'une graine qu'on plante comme métaphore de l'enseignement provient du monde grec. Voici, par exemple, qu'après une magnifique allégorie dans laquelle Socrate dépeint i'âme humaine sous les traits d'un cocher qui tente de maîtriser deux chevaux: I'un doux et docile, porté vers les vertus, et l'autre rebelle, emporté par les désirs, Platon met dans la bouche de Phèdre des louanges vantant les mérites de ce beau passe-temps qu'est celui de fabriquer des discours et de composer des métaphores sur la justice et les autres belles choses. Ce à quoi répond Socrate : « C'est bien vrai, mon cher Phèdre; mais il est, à mon avis une manière bien plus belle encore de s'occuper de ces choses : c'est, quand on a trouvé une âme qui s'y prête, d'y planter et d'y semer avec la science, selon les règles de la dialectique, des discours capables de se défendre eux-mêmes et aussi celui qui les a semés, et qui, au lieu de rester stériles, portent une semence qui donnera naissance en d'autres âmes à d'autres discours, lesquels assureront à la semence toujours renouvelée l'immortalité, et rendront ses dépositaires aussi heureux qu'on peut l'être sur terre » (Platon, Phèdre LXI, traduction d'É. Chambry, Paris, GF-Flammarion, 1964.

S'il tombe dans la bonne terre, symbole de l'âme qui s'y prête, le discours articulé selon les règles de l'art portera fruit. Évidemment, l'art en question varie d'une culture à l'autre. Ainsi la rhétorique de Platon n'est pas celle de Marc. Toutefois, dans les deux cas, il emprunte un langage persuasif, capable de convaincre ceux qui l'entendent du bien-fondé d'une vision particulière du monde.

Les lectures nouvelles de Marc ouvrent sur des perspectives parfois étonnantes. Elles comportent, bien sûr, une bonne part de subjectivité. C'est la raison pour laquelle elles suscitent aussi bien l'enthousiasme que le scepticisme. Nous aimerions, en terminant, faire nôtres les paroles de Marie Balmary, laquelle, depuis quelques années déjà, mène un dialogue entre Bible et psychanalyse : « Que la Bible soit le livre le plus commenté permet aussi, à mon sens, qu'on y trouve toujours du nouveau : là où deux, trois, cent... ont déjà parlé pour dire des choses différentes, l'espace est ouvert à toute parole qui ne reçoit pas les commentaires des anciens comme un ordre de se taire mais comme une invitation à parler à son tour » (M. Balmary, Le sacrifice interdit. Freud et la Bible, Paris, Grasset, 1986, p. 37-.

La graine porte du fruit...

© Guy Bonneau, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 117 (Septembre 2001), « Saint Marc. Nouvelles lectures » p. 53.