Au long des siècles les chrétiens ont continué à lire le Lévitique comme une partie de la parole de Dieu...
Au long des siècles les chrétiens continueront à lire le Lévitique comme une partie de la parole de Dieu. Ils le liront comme l'avait fait le Nouveau Testament mais seront aussi poussés à y chercher de nouvelles significations Cela se fera suivant deux lignes d'interprétation.
1. Une lecture « spirituelle » (plus exactement allégorique) qui retrouve des signes du mystère chrétien dans les textes les plus inattendus. Voici par exemple comment Origène comprend les règles données en Lv 11 pour distinguer les mammifères purs ou impurs : « Voyons d'abord qui sont ceux qui ruminent et divisent le sabot, ceux qui sont déclarés purs. Je pense qu'on peut dire qu'il rumine celui qui s'applique à la science et médite jour et nuit la Loi du Seigneur (...) Notons qu'il est dit qu' "il fait remonter la nourriture". Il fait remonter la nourriture celui qui ramène ce qu'il a lu selon la lettre au sens spirituel, qui monte des réalités basses et visibles aux invisibles et supérieures. Mais si, ayant médité la Loi divine et ramené ce que tu lis à une intelligence spirituelle, et que ta vie et tes actions ne soient pas tels qu'ils manifestent la différence entre la vie présente et la future, entre ce monde et le monde à venir... tu n'es qu'un chameau à la démarche tortueuse » (Homélies sur le Lévitique VII, 6).
Plus évidente est son interprétation des prescriptions relatives à l'éclairage du temple (Lv 24,3) : « Selon la lettre on avait l'enchaînement: le peuple fournit de l'huile d'olive pure pour assurer à la lampe la lumière; et Aaron gardait les lampes allumées du soir jusqu'au matin. (...) Avant la venue du Seigneur Jésus, le soleil ne se levait pas pour le peuple d'Israël mais il avait une lampe. La parole de la Loi et celle des prophètes était pour eux une lampe mais enfermée dans une enceinte étroite. (...) Tant que ce peuple avait de l'huile, la lampe ne s'est pas éteinte. Mais quand a manqué chez eux l'huile de la miséricorde, quand on n'y a plus trouvé de pureté (...), la lampe devait s'éteindre » (Homélie XIII, 2).
2. La reprise plus ou moins adaptée d'institutions que la vie de l'Eglise amenait à inventer. Pour des gens nourris de l'Écriture, il était logique de s'inspirer des institutions codifiées par l'Écriture. En voici trois exemples.
- La législation canonique du mariage définit des empêchements de consanguinité très proches des interdits de Lv 18 et 20. Ce n'est cependant qu'en 567, au Concile de Tours, qu'un canon fera explicitement référence au Lévitique.
- Pour les accouchées on a institué depuis l'Antiquité une cérémonie qu'on appelait récemment « relevailles ». Jusqu'au XVIe siècle c'était nettement présenté comme un rite de purification inspiré de Lv 12. Ensuite on l'a développé dans le sens d'une action de grâce pour la naissance.
- Depuis l'an 1300, les papes ont revitalisé la loi du jubilé, interprété comme une libération spirituelle, ne faisant guère de place à la dimension sociale, qui était pourtant essentielle dans le texte biblique. Il est vrai que le grand jubilé de l'an 2000 a relancé le thème de la remise des dettes des pays les plus pauvres.
Enfin, notons un dernier avatar du texte du Lévitique: la reprise dans le langage courant de certains mots caractéristiques de ce livre. Ainsi tous les cinquantenaires sont dits « jubilés »; même les gens qui ne travaillent pas la terre célèbrent des « années sabbatiques »; et on n'en finit pas de chercher des « boucs émissaires » !
© Pierre Buis, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 116 (Juin 2001), « Le Lévitique. La Loi de sainteté », p. 46-47.