L'exclusivisme de Yahvé et sa non-représentation ne furent pas mis en pratique avant l'exil, au VIe siècle avant J.-C.

Au regard de ce parcours « historique » sur l’évolution de la religion d’Israël, il apparaît clairement que les deux principes de l’exclusivisme de Yhwh et de la non-représentation de Yhwh ne furent pas mis en pratique avant la période de l’exil, au VIe s. av. J.-C.

Cela n’exclut pas qu’une tendance exclusiviste ait vu le jour pendant le mouvement prophétique du VIIIe s. av. J.-C. et lors de la réforme de Josias à la fin du VIIe s. (sanctuaire d’Arad). Mais ces tendances ne se sont pas imposées de manière définitive. Tant du côté des sources extrabibliques que bibliques, la pratique d’un culte pluriel de Yhwh dans lequel Yhwh est associé à d’autres divinités se poursuit jusqu’à l’exil. Jérémie et Ézéchiel dénoncent encore à la fin du VIIe s. la multitude des cultes en Juda (Jr 7,18 ; 11,13 ; Ez 8).

Yhwh fut un dieu représenté en conformité avec la pratique des cultes du Proche-Orient ancien. Les sources extrabibliques font état d’un culte thériomorphe et anthropomorphique qui se poursuit tout au long de l’époque royale. Le culte iconique de Yhwh a pu coexister avec des formes de cultes aniconiques, selon l’importance que l’on accorde aux fouilles du site d’Arad, par exemple. Les textes bibliques eux-mêmes témoignent d’un culte iconique en Juda et semblent faire mention – peu clairement, il est vrai – de statues cultuelles. 

À partir de la réforme de Josias et plus encore avec l’exil, des ruptures s’imposent dans la manière de comprendre Dieu, ainsi que dans celle de se comprendre dans la relation au divin, aux autres et à soi-même. Le passage d’un culte iconique et pluriel de Yhwh dans le premier temple à un culte monothéiste et aniconique dans le second temple est une réalité complexe et progressive qui demande encore à être éclairée. 

Le monothéisme strict, dont témoigne le deuxième Ésaïe, et qui s’impose théologiquement dans la Torah, est à la racine de l’aniconisme biblique. En effet, dès lors que le prophète dénonce la réalité artisanale des divinités fabriquées, il devient logique d’affirmer l’impossibilité de représenter le divin. Le monothéisme constitue le point de départ de l’interdit de l’image et en même temps sa légitimation théologique.
 

© Dany Nocquet, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 154 (décembre 2010), "Le Dieu unique et les autres - Esquisse de l'évolution religieuse de l'ancien Israël", p. 33.