En grec " egô " est le pronom sujet de la première personne du singulier et correspond
à " Je ". Il n’a pas le sens négatif de l’" ego " français. Dans les évangiles synoptiques, Jésus parle très peu souvent de lui-même en disant " egô/Je ". En revanche, dans le Quatrième évangile, Jésus emploie très fréquemment le " egô " seul ou avec un verbe, spécialement le verbe " être " (grec eimi).
Jésus révèle ainsi qui il est : " Je suis le pain de vie " (6,35) ; " Je suis la lumière du monde " (8,12) ; " Je suis la porte " (10,9) ; " Je suis le bon berger " (10,11.14) ; " Je suis la résurrection " (11,25) ; " Je suis le chemin, la vérité et la vie " (14,6), etc.
" Je suis " est utilisé sept fois en sens absolu, c’est-à-dire sans attribut, par
exemple : " avant qu’Abraham ait existé, moi je suis " (8,58). Les fois où Jésus utilise
" egô eimi " pour se présenter, la formule est souvent traduite par " c’est moi " dans nos bibles, mais cette expression pourrait aussi avoir le sens de " Je suis ". C’est le cas au moment où Jésus, marchant sur la mer, s’adresse à ses disciples apeurés : " C’est moi (traduction littérale : “Je suis”), soyez sans crainte " (6,20).
Dans le jardin de l’arrestation, Jésus dit deux fois " egô eimi " à ceux qui viennent le prendre (18,5 et 8 ; de plus, le narrateur le reprend au v. 6). Or, l’affirmation de Jésus n’est pas un simple " c’est moi ", elle a le sens fort de " Je suis " qui renvoie à la révélation de Dieu à Moïse. C’est pourquoi, quand Jésus dit " egô eimi ", soldats et gardes reculent et tombent à terre (18,6), comme s’il s’agissait d’une théophanie.
Le " Je suis " est utilisé uniquement par Jésus dans l’évangile de Jean. De fait, quand Jean Baptiste doit dire qui il est, il dit d’abord qui il n’est pas, puis, devant l’insistance du questionnement sur son identité, il emploie le " egô/Je " sans le verbe " eimi/être " (1,23) marquant bien ainsi la différence entre son identité et celle de Jésus. Un seul autre personnage se permettra d’utiliser " egô eimi " : l’aveugle-né (Jn 9,9)
© Bernadette Escaffre, SBEV / Éd. du Cerf
,Cahier Évangile n° 145 (septembre 2008) "Évangile de J.-C. selon St Jean. 1 – Le Livre des signes (Jn 1-12)", p. 16 (encadré).