Cette étape de l' "oratio" – ou de la prière – est bien spécifique...

Dans la tradition chrétienne, le terme oratio ne décrit pas l’ensemble du parcours de ce que nous entendons généralement par « prière chrétienne », mais bien cette étape spécifique qui est celle de notre réponse. Elle est nécessairement précédée de la lectio, qui nous met à l’écoute de la Parole, et de la meditatio qui tout à la fois nous fait découvrir la vérité de celui qui parle et attend notre parole, et nous fournit les motifs mêmes de notre réponse. Ce parcours est tout entier inscrit dans ces versets d’Osée : « Je parlerai à son cœur. Je lui rendrai ses vignobles. Elle répondra comme aux jours de sa jeunesse » (Os 2,16-17). C’est le Seigneur lui-même qui, s’étant manifesté à son épouse comme la source de tout don, lui donne la possibilité de répondre à l’alliance qu’il lui propose. Ce qui a été reçu et médité sert maintenant de point de départ à la prière de réponse. Les mots de la révélation nous fournissent les thèmes, le vocabulaire et les expressions de notre prière.

L'école de la prière
C’est ainsi que l’on peut qualifier la Bible en général et le psautier en particulier. La fréquentation régulière des psaumes est en effet un bon moyen d’apprendre à formuler notre prière. Benoît XVI, en une belle catéchèse, a expliqué que les psaumes nous apprenaient à prier comme on apprend à un enfant à parler. Celui-ci « apprend à exprimer ses sensations, ses émotions, ses besoins avec des mots qui ne lui appartiennent pas de façon innée, mais qu’il apprend de ses parents et de ceux qui vivent autour de lui, […] lui peu à peu s’en approprie ; les mots reçus des parents deviennent ses mots et à travers ces mots il apprend aussi une manière de penser et de sentir » (audience du 22 juin 2011).

Mais il n’y a pas que les psaumes et les autres cantiques par lesquels la Bible nous apprend à formuler notre prière, il y a également toutes les réponses des hommes en dialogue avec le Seigneur dans l’A.T., avec le Christ dans le N.T. On peut penser, par exemple, au fiat de Marie, mais aussi à sa prière d’intercession aux noces de Cana, aux différentes professions de foi des Évangiles à commencer par celle de Pierre, à la réponse de la Samaritaine ou de la Cananéenne, à la supplication du bon larron. On peut enfin ajouter, aux formulations bibliques, les prières de la Tradition chrétienne qui peuvent soutenir efficacement notre réponse à Dieu. Au centre de ce vaste trésor, deux prières bibliques méritent une attention particulière : le Notre Père et le Magnificat.

Le Notre Père. Évidemment son importance tient d’abord à son origine : Jésus lui-même l’a enseigné à ses apôtres. Mais parce que Jésus leur a demandé de s’approprier cette prière, ses premiers mots en particulier, il fait plus encore : il donne le modèle même de toute prière chrétienne de réponse, quel que soit le détail de sa formulation. On peut certes prier Jésus lui-même ainsi que l’Esprit Saint, mais la prière par excellence est celle qui est faite « dans le Christ » et adressée au Père. Saint Paul précisera enfin l’action de l’Esprit dans cette prière : il se joint à notre esprit et c’est lui, venant au secours de notre faiblesse, qui nous fait nous écrier : « Abba ! Père ! » (cf. Rm 8,15-16.26). Le Christ a révélé et réalisé notre adoption filiale. De là vient l’audace de la prière du croyant. Il ne s’adresse pas à un dieu inconnu, il n’implore pas une divinité capricieuse ou indifférente (cf. Mt 6,7-8). Il parle à un Père très aimant, il se confie en enfant bien-aimé.

Le Magnificat. Si Marie est modèle de lectio divina, son Magnificat est un remarquable exemple de la prière de réponse. Il est « entièrement brodé de fils de l’Écriture Sainte, de fils tirés de la Parole de Dieu », fait remarquer Benoît XVI qui commente : « On voit ainsi apparaître que, dans la Parole de Dieu, Marie est vraiment chez elle, elle en sort et elle y rentre avec un grand naturel. Elle parle et pense au moyen de la Parole de Dieu ; la Parole de Dieu devient sa parole, et sa parole naît de la Parole de Dieu » (Encyclique Deus Caritas est [2005], n° 41).


© Christophe de Dreuille, Cahier Évangile n° 164, Lectio divina. Un chemin pour prier la Parole de Dieu, p. 42-43.