Qu’est-ce que ce texte nous dit de Dieu lui-même ? Qu’est-ce qu’il nous dit pour nous-mêmes ? Comment mettre la Parole en pratique ?

Le processus de la méditation

Pour creuser la signification de ce qui a été recueilli par la lectio, le moment est venu de se poser des questions et ceci, en deux temps :

– qu’est-ce que ce texte nous dit de Dieu lui-même ?

– qu’est-ce qu’il nous dit pour nous-mêmes ? Comment mettre la Parole en pratique ?

La distinction en deux moments est l’une des principales clés d’une méditation fructueuse. Nous ne travaillons pas sur un texte quelconque, nous accueillons une Parole. Or, dans une relation, la parole proférée ne contient pas seulement un message adressé à l’interlocuteur ; elle révèle aussi le cœur, les intentions, de celui qui parle. Ne s’attacher qu’au contenu, sans se préoccuper des intentions est la cause de bien des malentendus, incompréhensions et contresens. Ce qui est vrai dans nos relations humaines l’est aussi pour la Parole de Dieu.

Prenons un exemple biblique. Lorsque nous lisons un des nombreux oracles de jugement prononcés par les prophètes, nous pouvons ressentir un malaise, nous demander comment recevoir une telle parole et craindre qu’elle ne soit envoyée pour notre malheur. Or la Bible nous offre un petit récit qui traite précisément de ce problème : le livre de Jonas. Le prophète ne pouvait comprendre le vrai sens de la Parole qu’il annonçait parce qu’il s’arrêtait à son seul contenu. Le Seigneur lui-même interviendra pour révéler à Jonas les intentions de son cœur et l’inviter à y communier.

C’est donc par ce regard porté sur Celui qui nous offre sa Parole que doit commencer toute méditation. En nous faisant progresser dans la connaissance de Dieu, la Parole dilatera nos cœurs, et nous permettra dans un second temps de comprendre, de manière juste, comment cette Parole éclairera nos vies. Cette progression suit le même mouvement que les épîtres de saint Paul. L’Apôtre commence toujours par déployer le mystère révélé, avant de passer aux applications pratiques de la Bonne Nouvelle dans la vie des croyants. Si nous ne comprenons pas la Parole de Dieu ainsi, nous risquons de tomber dans un moralisme étroit, une lecture fondamentaliste de la Bible qui ne portera pas de fruit et risque même de nous éloigner de Dieu.

• Qu'est-ce que le texte nous dit de Dieu ?

Cette première question nous conduit à scruter le cœur même de Dieu, à comprendre pourquoi il parle, à quelle qualité de relation nous invite sa Parole, quel est le regard qu’il porte sur nous, sur son peuple, sur chaque homme. Nous progresserons ainsi dans la compréhension de son projet de salut.

Si nous recevons un texte de l’A.T., nous pourrons nous attacher à la pédagogie que le Seigneur déploie pour se faire connaître d’Israël et aux titres qu’il reçoit, à sa fidélité envers un peuple aussi rebelle, à la relation particulière qu’il établit avec ceux qu’il appelle. Nous pourrons nous demander pourquoi certaines paroles sont si dures, si radicales, si fortes. Nous méditerons sur les œuvres de salut qu’il a manifestées à son peuple, sur ses promesses.

Si nous méditons un texte du N.T., nous concentrerons notre attention sur ce qu’il nous révèle du Christ, de sa relation avec son Père, de son lien avec l’Esprit Saint, de sa relation avec les hommes (ses disciples, les infirmes et possédés, les autorités juives, etc.), du sens de ses gestes, de son enseignement. Nous nous attacherons plus particulièrement à mettre en lien ces textes avec le mystère pascal où s’accomplit notre salut et qui contient la clé interprétative ultime de toute l’Écriture.

Qu'estce que ce texte nous dit de nous-même ?

Cette seconde question concerne la mise en pratique de la Parole de Dieu. La Parole doit en effet devenir cette « lampe sur nos pas et lumière sur notre route », selon les formules du psalmiste (Ps 119,105 – tout le psaume médite d’ailleurs ce point). Nous avons dit qu’il ne fallait pas aller trop vite vers cette question ; il ne faut pas non plus l’éviter. La Parole nous est donnée pour nous transformer, pour exercer en nos cœurs et en nos vies sa puissance. Rappelons-nous la mise en garde de la lettre de Jacques : « Ne soyez pas seulement des auditeurs qui s’abusent eux-mêmes ! Qui écoute la Parole sans la mettre en pratique ressemble à un homme qui observe sa physionomie dans un miroir. Il s’observe, part, et oublie comment il était. » Au contraire, poursuit-il, celui qui la met activement en pratique, « celui-là trouve son bonheur en la pratiquant » (Jc 1,22-25).

Du Seigneur, notre regard peut alors se déplacer vers Israël ; du Christ vers ses disciples (et ses adversaires) ; du Dieu qui parle à nous qui sommes les ultimes bénéficiaires de sa parole. Nous nous attacherons pour cela à la manière dont Israël réagit à la Parole du Seigneur, à la réponse des patriarches et des prophètes à son appel, à l’attitude de Marie, aux réactions des apôtres, à la mise en pratique de la Bonne Nouvelle dans les premières communautés chrétiennes. C’est alors que nous pourrons en faire l’application à nous-mêmes et aux situations que nous connaissons. Nous interrogerons notre volonté, notre attachement à la personne du Christ, la place que tient le Père dans l’orientation de notre cœur, celle que nous faisons à l’Esprit Saint dans nos vies. Comment nous mettons-nous à la suite du Christ ? Comment nous situons-nous par rapport à ce que la tradition a appelé « les œuvres de miséricorde » des textes évangéliques ?

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© Christophe de Dreuille, Cahier Évangile n° 164, Lectio divina. Un chemin pour prier la Parole de Dieu, p. 34-36.