Par Thomas P. Osborne

Thomas P. Osborne
L’Évangile selon Marc. Lectio divina continua

Société biblique canadienne, 2011, 116 p., prix non indiqué

Sur l’évangile de Marc, il est tentant de compare  la contribution de C. Focant dans Le Nouveau Testament commenté (NTC) (p. 152-242) (>>>Pour lire cette recension) à ce travail de T. Osborne. Dans l’un et l’autre cas, la lecture est continue et le commentaire se donne comme un intermédiaire vers une écoute personnelle du deuxième évangile. Dans l’un et l’autre cas, les explications de type historiques sont réduites au minimum. La comparaison s’arrête là. Le travail de C. Focant se veut utile pour l’étude et la pastorale. Celui de T. Osborne est destiné à la seule prière – sous la forme de la lectio divina. En conséquence, la présentation même des unités de lecture diffère. Dans le NTC, le découpage adopte six grandes parties détaillées, justifiées par le rythme du récit. Négligeant une logique littéraire élaborée, guidé par un souci pratique, T. Osborne offre à son lecteur 55 unités pour 55 moments – étalés sur un peu plus d’une année à raison d’une lectio hebdomadaire – de rencontre personnelle, dans l’Écriture, entre le lecteur et le Christ Seigneur. S’il n’est pas justifié, le découpage n’est cependant pas aléatoire ; ainsi en est-il du lien entre les épisodes de la guérison d’un aveugle et de la reconnaissance de Pierre en Mc 8,22-30 et, a contrario, de la coupure introduite entre la reconnaissance par Pierre (v. 29-30) et le coup de théâtre de l’annonce du sort du Fils de l’homme (v. 31-33). On peut contester le choix, mais reconnaissons que, dans l’optique adoptée, cela fait sens.

Les principes de la lectio sont clairement exposés au début de l’ouvrage ; ils l’avaient été dans l’exhortation apostolique « Verbum Domini » (2010, voir C.E. n° 156, 2011, p. 67-70). Nul n’ignore désormais qu’il s’agit d’un cheminement en quatre étapes (lectio, meditatio, oratio, contemplatio) qui débouche sur l’actio. Des propositions régulières dans des sessions, des retraites, des revues, des blogs ou des sites Web invitent à tenter l’expérience. Elle est ici plus personnelle que collective ; le rappel des risques de l’« approche individualiste » est donc bienvenu et trouve un écho dans la rédaction en « nous » de l’étape oratio.

Le caractère œcuménique et francophone de l’entreprise mérite d’être souligné. T. Osborne, Luxembourgeois, est actuellement le secrétaire général par intérim de la Fédération biblique catholique ; la commande provient de l’Alliance biblique universelle, d’obédience protestante ; rédigée initialement en anglais, elle a été traduite par la Société biblique canadienne. Comme dans le NTC, le texte biblique est donné in extenso, mais la traduction est ici celle de la « Bible en français courant », élaborée par l’Alliance biblique française (1982, révisée 1997) ; cette traduction, très diffusée, est plus simple que la TOB – certains pensent même qu’elle est simplificatrice (voir C.E. n° 157, 2011, p. 41 et p. 49).

En tout cas, elle est très lisible, même si un lecteur catholique serait plus à l’aise, dans ce cadre-là, avec la traduction liturgique. La mise en page est pratique : le cheminement de chaque péricope tient sur une double page. Le design (types de caractère, bandeau, lettrines) paraît un peu daté ; qu’il ne rebute pas l’utilisateur !

C’est l’étape de la lectio qui est privilégiée, couvrant la moitié du commentaire. Concise, simple et claire, elle attire l’attention sur quelques points narratifs et, très souvent, établit des liens entre les passages ; c’est l’avantage d’une lectio divina « continua » : arrivé à la fin de l’année et du récit évangélique, le lecteur aura endossé l’attitude des apôtres qui se laissent étonner par Jésus.

Par la suite, les indications pour la meditatio, l’oratio et la contemplatio sont plus brèves, à juste raison. En effet, ces étapes tirent leur force des acquis du « travail » effectué lors de la première étape… dont les effets sont toujours particuliers. Passer de « ce que dit le texte en soi » à « ce qu’il me dit » ou « nous dit » (dans la mesure où, même solitaire, on se reconnaît d’une communauté), c’est prendre en compte la contingence de l’acte de lecture et écarter résolument toute généralité pieuse. On saura donc gré à T. Osborne de n’avoir pas donné de consignes trop précises et d’avoir évité les pistes moralisatrices ; on ne peut que le remercier de porter l’accent sur la contemplation du Christ et, par là, sur la décision libre du disciple.

Au total, l’outil est modeste et entièrement tourné vers la rencontre priante. Il sera très utile au croyant tenté par l’aventure de la lectio divina et que rebuterait un appareillage compliqué. (G. Billon)
Niveau de leclture : aisé

Gérard Billon, Cahier Évangile n° 162 (décembre 2012) p. 70-72.