L’Association catholique française pour l’étude de la Bible (Acfeb) rassemble des chercheurs, des enseignants, des animateurs bibliques (suite).
L’Association catholique française pour l’étude de la Bible (Acfeb) rassemble des chercheurs, des enseignants, des animateurs bibliques. Son 26e Congrès s’est déroulé à Angers en 2016 autour de « Paul et son Seigneur, trajectoires christologiques des épîtres pauliniennes » ; il a été l’occasion de fêter ses cinquante ans. Après le contexte de sa naissance (Cahier Évangile n° 178, pp. 54-61), voici un survol de la vie de l’Association jusqu’en 1995.
Par le P. Édouard Cothenet
Professeur honoraire de l’Institut catholique de Paris
(Conférence donnée à Angers le 29 août 2016.)
Le printemps de l’ACFEB (1966-1976)
Après une rapide évocation de l’outil indispensable que fut la création de la BOSEB, je m’attarderai sur les premiers congrès qui contribuèrent à fixer les orientations de l’ACFEB. On y constate l’attention au renouvellement des méthodes ainsi que le souci de répondre aux attentes du monde contemporain.
• La BOSEB
Une urgence s’imposait : constituer une bibliothèque ouverte aux chercheurs et aux étudiants. M. Cazelles mettait à disposition sa propre bibliothèque. Il fallait trouver une organisation, et d’abord un lieu approprié. L’Institut catholique de Paris disposait d’un ancien laboratoire en sous-sol. C’était déjà çà pour commencer, mais on devait prévoir le fonctionnement. Trois acteurs conjuguèrent leurs efforts : l’ACFEB d’abord, représentée par son président, l’Institut catholique de Paris qui fournissait le local et le traitement d’un bibliothécaire, enfin les « Équipes de recherche biblique » protestantes qui se chargeaient de la surveillance. C’est ainsi que fut créée la BOSEB (Bibliothèque œcuménique et scientifique des études bibliques).
Le P. Antoine Vanel fut le premier bibliothécaire. Les plus anciens d’entre nous n’oublieront jamais la générosité de Henri Cazelles qui, le matin, s’installait dans un minuscule bureau au fond de la BOSEB, toujours disponible pour répondre aux questions des étudiants ou des chercheurs. Quelques années plus tard, le musée Bible et Terre Sainte, créé par le P. Jean Starcky, fut installé dans une pièce contigüe. Grâce à un legs de Mr Jean de Vernon, la BOSEB put s’installer en 1994 à côté de la Bibliothèque byzantine des Pères Assomptionnistes dans des locaux spacieux et confortables.
• Les premiers congrès
En dehors des réunions au plan local, au rythme de deux ou trois par an, le temps essentiel dans la vie de l’Association, ce furent les congrès dont l’organisation était confiée à la région où ils se tenaient. Ces congrès ont ainsi établi des ponts entre chercheurs de disciplines différentes et ouvert les participants à des champs nouveaux d’investigation et cela, toujours dans une atmosphère très fraternelle. Les actes en ont été publiés pour beaucoup – mais non pas tous – dans la collection « Lectio divina » (Le Cerf).
1967, à Angers : « La Résurrection du Christ et l’exégèse moderne ». Pour un premier congrès, on n’esquivait pas les difficultés, tant la position de Rudolf Bultmann avait ébranlé les esprits ! Dans le Liminaire de la publication, Paul de Surgy donne les orientations caractéristiques : 1) la volonté œcuménique d’écoute en commun de la Parole de Dieu ; c’est ainsi que le pasteur Carrez discuta les vues de l’exégèse allemande, notamment de Bultmann, pour qui Jésus est ressuscité « dans le kérygme » ; 2) l’orientation herméneutique avec l’intervention de X. Léon-Dufour intitulée « Apparitions du Ressuscité et herméneutique » ; 3) le dialogue entre biblistes et dogmaticiens.
Bien préparé, le congrès s’est déroulé dans une ambiance amicale de travail, de recherche et de réflexion. En réponse à l’objection que la publication pourrait troubler la foi des fidèles, P. de Surgy fit appel à la confiance des auteurs dans leurs lecteurs : « La publication d’une recherche, loin d’être un obstacle à la foi, sera un service de la foi... » (p. 14).
1969, à Chantilly : « Exégèse et herméneutique ». Préparé par le groupe de Lyon, il aurait dû se tenir en 1968. Les événements de mai 68 obligèrent à le retarder d’un an, ce qui permit d’affiner le projet. Il s’agissait d’inviter les participants à dépasser leurs méthodes et à s’ouvrir aux « sciences humaines » en plein essor, pour répondre à la distance éprouvée entre les résultats de l’enquête historique et les attentes des lecteurs d’aujourd’hui. Paul Ricœur fut chargé de la conférence d’ouverture : « Du conflit à la convergence des méthodes en exégèse biblique ». Chaque journée s’organisa autour d’un thème avec un texte biblique de référence ; pour la première journée, « la quête du sens » avec Genèse 1 commenté par Paul Beauchamp ; « le moi qui interprète » pour la deuxième journée avec l’exposé du psychanalyste Antoine Vergote sur Romains 7 ; le structuralisme fit son apparition à la troisième journée avec Roland Barthes relisant Actes 10-11. Il fut donné à Henri Bouillard de réfléchir aux rapports entre exégèse, herméneutique et théologie.
1970, à Chantilly : « Le langage de la foi dans l’Écriture et dans le monde actuel : exégèse et catéchèse. » Préparé par le groupe de Paris, le congrès fut organisé en lien avec l’Institut supérieur de Pastorale catéchétique de Paris (ISPC). Une nouvelle orientation se dessinait, qui aboutira au développement de l’analyse sémiotique. Par opposition à l’analyse historico-critique qui privilégiait un Ur-Text, l’attention se concentrait désormais sur le texte tel qu’il est et dont il faut découvrir la structure. Cette méthode dispensait-elle des recherches sur le milieu ambiant qui permettent de découvrir la pointe propre de chaque texte ? D’autres congrès montreront la complémentarité des méthodes.
Suite à ce congrès, Jean Delorme († 2005) organisa une session de travail à Annecy (2-5 septembre 1973), en vue d’offrir aux nombreux participants une initiation à la méthode de Algirdas-Julien Greimas. Un compte-rendu chaleureux parut dans notre Bulletin de liaison n° 9. En pointe sur le sujet, le groupe lyonnais fondera en 1976 le CADIR (Centre pour l’analyse du discours religieux), hébergé aux facultés catholiques de Lyon.
La pastorale biblique. La Charte de fondation de l’Association précisait un double objectif : recherche et pastorale biblique. C’est pourquoi, dès l’origine, l’ACFEB fut associée à la Ligue catholique de l’Évangilequi, en 1972, fut transformée en Service biblique Évangile et Vie (SBEV). Il fut stipulé que le président de l’ACFEB siégerait ès qualité au bureau. Le premier directeur, Étienne Charpentier (1930-1981), prêtre du diocèse de Chartres, animateur hors pair, avait assuré le succès de la nouvelle série des Cahiers Évangile par un numéro double rédigé par Jean Delorme sur l’Évangile de Marc. Lorsque s’est posée la question du rattachement de l’ACFEB à la Fédération catholique mondiale pour l’apostolat biblique, on décida que ce serait par l’intermédiaire du SBEV. Celui-ci, à chaque Assemblée générale de l’ACFEB, présente son rapport d’activité.
• Controverses
Sur la résurrection. Suite au congrès d’Angers, la manière de rendre compte de la foi en la résurrection du Christ suscita de nombreuses publications chez les exégètes et les théologiens. Le Bureau de l’ACFEB fut bientôt saisi de la controverse suscitée par l’ouvrage du P. Léon-Dufour, son vice-président : Résurrection de Jésus et message pascal (Le Seuil, 1971). Développant des vues exposées à Angers, Léon-Dufour présentait les deux langages « de l’exaltation » d’une part et « de la résurrection » d’autre part, avant d’étudier les milieux dans lesquels se sont élaborés les récits évangéliques d‘apparition. L’ouvrage se termine par des réflexions herméneutiques qui inquiétèrent plus d’un lecteur. Rarement un livre a suscité autant de prises de position, les unes favorables, d’autres critiques, sans parler de dénonciations calomnieuses. Il y eut toute une série d’échanges entre le Bureau doctrinal de l’Épiscopat et celui de l’ACFEB. En l’absence d’Henri Cazelles, enseignant alors aux USA, Pierre Grelot se dépensa sans compter pour la défense de Xavier Léon-Dufour.
Le 10 mars 1972 parut une note du Bureau d’études doctrinales, inspirée des critiques du cardinal Daniélou tout en les atténuant. Pierre Grelot réagit, estimant que l’ACFEB aurait dû être consultée par l’Épiscopat. Finalement, le Bureau publia un communiqué le 28 mai (voir la Documentation catholique du 02/07/1972). Pour sa part, le P. Grelot revint sur le sujet dans un long article de la revue Études, « Croire au Christ ressuscité » (juillet 1972, pp. 119-141). Il proposa de distinguer l’historial de l’historique, historique désignant ce qui peut être établi par la recherche scientifique, historial ce qui témoigne d’un dessein divin en train de s’accomplir. L’étude critique de cette controverse mériterait bien un sujet de mémoire.
Sur les ministères. Au lendemain de mai 68, la question des ministères se posa avec acuité. Les bouleversements de la société mettaient en cause le statut et le rôle des prêtres, dont bon nombre faisaient défection. En 1970, l’épiscopat français commanda deux rapports, l’un sur le « ministère et les ministères », confié à Jean Delorme, et l’autre sur « le ministère et le célibat », confié à Paul Bony. Lors de l’Assemblée des évêques de France de juin 1971, il apparut qu’il fallait approfondir la recherche. On constitua une large équipe de quatorze membres sous l’impulsion de Jean Delorme, Xavier Léon-Dufour et Bernard Sesboüé. Sur le modèle de la préparation de la TOB, ce fut un travail collectif grâce à plusieurs sessions et à l’échange de nos textes avant la rédaction finale ; œuvre interdisciplinaire aussi, avec la participation de trois théologiens : Bernard Sesboüé, Henri Denis, Maurice Vidal. Dans cette vaste entreprise, Jean Delorme déploya toutes ses qualités d’intelligence novatrice et d’amitié chaleureuse. C’est ainsi qu’est paru un gros volume dont l’intérêt n’a pas cessé : Le ministère et les ministères selon le Nouveau Testament (Le Seuil, 1974). Dû à Annie Jaubert, le premier chapitre donne le ton : « Les épîtres de Paul : le fait communautaire. » À quoi fait pendant le dernier chapitre par Maurice Vidal : « À propos du rapport "quelques-uns/tous" dans l’Église ». Une présentation de type purement vertical des ministères était bien dépassée : il faut situer les ministères institués à l’intérieur d’une Eglise tout entière responsable. Si ce dossier ne fut pas une production officielle de l’ACFEB, on peut dire que, sans les relations amicales nées au sein de l’Association, le travail n’aurait pu être mené à bien.
• Les congrès de 1972 à 1975
1972, à Strasbourg : « Exégèse biblique et judaïsme ». Grâce à la coopération entre les deux facultés de théologie de la ville, ce congrès privilégia les dimensions œcuméniques et universitaires. Dans cette métropole où le judaïsme est bien présent, il convenait, avec le discours d’ouverture du grand rabbin Max Warshawski, d’approfondir le sujet dans l’esprit nouveau instauré dans l’Église par la déclaration conciliaire Nostra Aetate (1965). Relevons la très importante communication d’Alejandro Diez Macho sur le Targum palestinien du Pentateuque (Neofiti).Le texte des interventions fut édité par Jacques E. Ménard dans la Revue des Sciences Religieuses en 1973. Pour succéder à Henri Cazelles, le P. Augustin George, bien connu pour ses travaux sur l’œuvre de Luc, fut élu président. Malheureusement, pour raison de santé, il dut démissionner au bout de 9 mois et fut remplacé par Jacques Guillet, s.j., Jules de Vaulx restant vice-président.
1973, à Lille : « Les miracles ». Par exception, les actes de ce congrès sur un point si sensible n’ont pas été publiés, mais on en trouve de larges échos dans le Cahier Évangile n°8 « Les miracles de l’Évangile » (1974). Dans un ouvrage collectif, Les miracles de Jésus (Le Seuil, 1977), Xavier Léon-Dufour offrira le texte remanié de plusieurs conférences ainsi qu’une synthèse personnelle. Pour la petite histoire, le congrès fut marqué par une intervention tonitruante d’André Paul en chemisette rouge : « feu l’herméneutique ! » Lors de l’Assemblée générale, il fut question de l’importance des membres associés pour assurer la liaison entre la recherche et l’apostolat biblique local.
1975, à Toulouse : « Apocalypses et théologie de l’espérance ». Outre l’examen des textes du Nouveau Testament, ce congrès donna lieu à l’étude de plusieurs extraits de la littérature intertestamentaire et à un exposé sur les raisons de l’occultation de l’apocalyptique dans la littérature rabbinique (Joseph Stiassny, † 2007). La préface aux actes du congrès (collection « Lectio divina » n° 95), due à Henri Cazelles, évoque les dix ans de l’Association.
Au service de l’Église. En écho aux questions soulevées par mai 68 et les luttes révolutionnaires en Amérique Latine, les évêques avaient choisi pour leur rencontre d’automne 1974 le sujet « Libération des hommes et salut en Jésus-Christ ». Ils demandèrent à l ‘ACFEB de préparer le terrain par une étude biblique. Une vingtaine d’exégètes se concertèrent et le fruit de leur travail fut publié dans les Cahiers Évangile n° 6 et 7 (1973/1974).
Durant cette période on assista à la fermeture de nombreux séminaires et de maisons religieuses de formation, ainsi que de bibliothèques. Le nombre des professeurs d’Écriture Sainte diminuait du même coup, alors même que les demandes de formation sur le terrain s’accroissaient. Le bureau de l’ACFEB décida donc en 1976 de lancer une enquête sur le travail biblique en France. 77 diocèses répondirent, ce qui est une bonne proportion. Les réponses manifestent de grandes disparités entre des régions relativement bien pourvues (Nord, Ouest et Est) et d’autres plus pauvres (Centre et Sud). Vice-président de l’ACFEB et rapporteur de l’enquête, Jules de Vaulx signalait deux problèmes majeurs : 1) le décalage entre le travail des spécialistes et la réception par le peuple chrétien, souvent effrayé par les questions posées en théologie par les sciences humaines, 2) la nécessité de repenser le traité de l’inspiration. Un appel fut aussi adressé aux évêques et aux Supérieurs religieux pour encourager la formation de nouveaux biblistes. Il sera renouvelé plus d’une fois… avec un succès mitigé.
De 1976 à 1995
Pour les années qui suivent les dix ans de l’ACFEB, permettez-moi d’être plus allusif. Ainsi, l’Assemblée générale de 1976 décida de proroger les mandats du président et du secrétaire d’un an jusqu’au prochain congrès qui devait se tenir à Angers. Cette décision fit jurisprudence.
En 1977, le congrès d’Angers eut pour caractéristique d’unir aux 130 participants de l’ACFEB une cinquantaine de membres de l’ATEM (Association des théologiens moralistes) avec le P. René Simon. Les actes en furent publiés sous le titre Écriture et pratique chrétienne. Une Assemblée extraordinaire apporta quelques compléments à la Charte de fondation, dans le sens d’une plus grande ouverture aux collègues non catholiques.
En 1979, le groupe de Paris proposa pour la première fois l’examen d’un texte précis, la Première lettre de Pierre, trop longtemps négligée par la critique comme pâle reflet du paulinisme. Tenu à Orsay, le congrès contribua à faire redécouvrir l’actualité de cette première « encyclique », présentant la « fraternité » chrétienne comme une communauté sacerdotale, écrite en vue de nourrir l’espérance des fidèles dispersés dans l’Empire romain.
En 1981, le groupe du Sud-Ouest invita les congressistes à Tarbes sur le thème : « Le Corps et le corps du Christ en I Corinthiens ». Le sujet se voulait en harmonie avec celui du Congrès eucharistique international de Lourdes : « Jésus-Christ pain rompu pour un monde nouveau. »
En 1983, le congrès de Strasbourg se situa dans la ligne de celui de 1972 sous le titre « Études sur le judaïsme hellénistique ».On y note un intérêtnouveau pour la Septante.Bientôt Marguerite Harl allait lancer aux éditions du Cerf la traduction de la Bible d’Alexandrie dont le premier volume, Genèse, parut en 1986. Pierre Sandevoir, ancien secrétaire de l’ACFEB, y participa activement et s’en fit l’écho à l’Assemblée générale de 1986 à Paris. Il semble d’ailleurs que, globalement, nos congrès ont jusqu’à présent fait plus de place aux textes de Qumrân et aux écrits dits « intertestamentaires » qu’à la Septante.
En 1985, le congrès de Lille porta sur « La création dans l’Orient Ancien ». À l’heure où les problèmes de l’écologie sont à l’ordre du jour, il faudrait en relire les actes qui comportaient une contribution originale de Paul Beauchamp : la création à l’image de Dieu pose un « devoir-être-doux », celui de commander à la bête tapie à notre porte, pour tendre vers la justice. Signalons qu’à partir de cette date, grâce au secrétaire Michel Clincke et à ses successeurs, les bulletins de l’Association se sont étoffés, comportant des aperçus substantiels sur le travail des régions.
En 1987, le congrès de Lyon sur « les paraboles évangéliques » fut très suivi avec plus de 200 participants. Il donna lieu à une fructueuse confrontation des méthodes, après le dépassement de l’ouvrage classique de Joachim Jeremias. Sur des points précis, il montra l’intérêt d’évaluer l’apport de la poétique, de la sémiotique, de l’histoire de la rédaction et de l’herméneutique. Y participèrent plusieurs collègues italiens, dont Vittorio Fusco qui donna la conférence inaugurale. De plus, Mgr Alberto Ablondi, président de la Fédération biblique catholique mondiale – dont le SBEV est membre –, vint expliquer lui-même le travail de son organisation. Élu président à la suite de Charles Perrot, Édouard Cothenet demanda que soient établies des relations avec les autres associations bibliques du monde latin. Nos publications en effet sont trop souvent ignorées des collègues allemands ou anglo-saxons. N’était-il pas urgent d’associer nos efforts ? Les présidents successifs eurent à cœur de favoriser les échanges entre associations-sœurs.
En 1989, il revint à Toulouse de préparer le congrès sur le thème « Origine et postérité de l’Évangile de Jean ». Des amis espagnols s’étaient joints à nous. On trouve dans le Bulletin n°20 une présentation détaillée de chacune des interventions, à commencer par l’exposé de Xavier Léon-Dufour : « Où en est la recherche johannique ? » L’excursion à Saint-Bertrand-de-Comminges et le diner animé à Montréjeau restent de bons souvenirs.
En 1990, le congrès d’Angers se tint dans le village-vacances de La Pommeraye sur « Le Pentateuque. Débats et recherches », préparé avec la participation de Jacques Briend. Ce fut un congrès neuf pour les gens de ma génération qui avaient été élevés dans les perspectives de Wellhausen et se souvenaient de la répression subie par des grands anciens comme Jules Touzard, coupables d’avoir voulu acclimater l’hypothèse en milieu catholique. Or voici que les perspectives se renouvelaient, entraînant la disparition du Yahviste placé à l’âge d’or salomonien et de l’Élohiste ! C’est dire l’intérêt de la publication des conférences.
L’année 1990 fut riche en commémorations. Vingt-cinq ans après Dei Verbum, l’ACFEB et le SBEV, dirigé alors par Philippe Gruson,organisèrent à Paris les 18 et 19 janvier un colloque largement ouvert aux animateurs bibliques. Pour le préparer, avait paru le Cahier Évangile n° 74 « Parole de Dieu et exégèse » rédigé par un collectif d’auteurs. Puis le centenaire de l’École biblique et archéologique de Jérusalem donna lieu à une série de manifestations à Lyon et à Paris (20-23 novembre) auxquelles l’ACFEB s’est unie avec reconnaissance.
En 1993, se tint à Paris le congrès sur la « Sagesse biblique dans l’Ancien et le Nouveau Testament ». Grâce à Jacques Trublet, responsable du groupe de Paris, il eut pour point d’orgue un concert dirigé par Jean-Yves Hameline avec le chœur Accentus dans l’église des Carmes. Les congressistes purent visiter l’exposition Bibliotheca Sacra. L’exégèse à la Bibliothèque nationale de la Renaissance à Renan.
En 1995, le congrès de Strasbourg aborda le thème général « Paul de Tarse ». On trouve dans le Bulletin n°26 une présentation détaillée de chacune des interventions. Plus de vingt ans après, en 2016, le congrès d’Angers revient sur Paul et nous ne manquerons pas de comparer les conclusions de ces deux rencontres.
Lors de l’Assemblée générale, un débat eut lieu sur l’opportunité pour l’ACFEB de participer au chantier de la traduction liturgique de la Bible, piloté par le P. Henri Delhougne, o.s.b. Les avis étant partagés, l’Association ne se prononça pas sur la faisabilité du projet, laissant à chacun de ses membres la décision d’y participer ou non. Après des années de travail et bien des navettes entre les exégètes, les commissions épiscopales francophones et Rome, le projet aboutit enfin en 2013.
Conclusion
Faute de place, il nous faut terminer là ce survol historique. Les vingt années suivantes, de 1995 à aujourd’hui, ont engagé de belles recherches. Depuis 1966, que de chemin parcouru ! Qu’il me soit permis de rappeler, avec émotion, la mémoire des Pères fondateurs, que j’ai bien connus.
D’abord le P. Henri Cazelles (1912-2009) dont l’érudition s’imposait au plan international. Tous les exégètes francophones l’appréciaient en raison de l’Introduction à la Bible (1957), devenu le manuel de référence pour les séminaires, repris sous forme développée en 1973 sous le titre Introduction critique à l’Ancien Testament. Comment oublier la générosité du Maître qui, par la mise à la disposition de sa bibliothèque, a permis l’ouverture de la BOSEB ?
En tandem avec lui, le P. Pierre Grelot (1917-2009), spécialiste de l’araméen, passionné de l’apostolat biblique – que de sessions, malgré son grave diabète, n’a-t-il pas données en plus de son enseignement à l’Institut catholique de Paris ! Il fut la cheville ouvrière du lancement de l’ACFEB, comme en témoigne son abondante correspondance avec Mgr Louis Ferrand. Secrétaire, il se dépensa avec une ardeur combative pour que soit reconnue la mission de l’Association dans l’Église qui est en France.
Le P. Xavier Léon-Dufour (1912-2007) suivit de près le lancement de l’Association, puisqu’il en fut le premier vice-président. C’est à lui que nous devons notamment le Vocabulaire de théologie biblique et l’orientation vers l’herméneutique des textes évangéliques, non sans controverses, comme nous l’avons vu à propos de la Résurrection du Christ.
À ces trois « colonnes » de l’ACFEB naissante, je me permets d’ajouter Étienne Charpentier. Nous lui devons l’essor du Service biblique Évangile et Vie, concrétisé par le succès des Cahiers Évangile auxquels beaucoup d’entre nous collaborent ou ont collaboré. C’est ainsi que, dès le point de départ, la double mission de l’ACFEB, dans le domaine de la recherche comme dans celui de la pastorale biblique, a été bien honorée.
© Edouard Cothenet, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 179 (mars 2017), « Abraham (Genèse 11,27 – 25,10). Un guide de lecture », p. 58-68.