Les quatre livres d'Esdras : une histoire bien compliquée...
Avec l’édition 2010 de la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB), de nouveaux livres appartenant au canon des Églises orthodoxes ont fait leur entrée aux côtés des livres bien connus des Églises catholiques et protestantes. Parmi ceux-ci figurent un 3e et un 4e livre d’Esdras. Ce qui a première vue semble énigmatique, puisque qu’aucun « 2e » livre d’Esdras ne figure dans la table des matières…
De fait, il n’est pas facile de s’y retrouver parmi les livres d’Esdras, qui, suivant les époques et les éditions, portent des titres divers, allant jusqu’à compter 6 livres d’Esdras ! Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut commencer par envisager la Bible hébraïque.
Dans celle-ci figurent deux livres reconnus par le judaïsme et toutes les Églises chrétiennes, à savoir le livre d’Esdras (sans n° d’ordre) et le livre de Néhémie.
Les choses se compliquent avec la Septante. Cette Bible, commencée au iiie siècle av. J.-C. à Alexandrie, regroupe des traductions en grec d’ouvrages appartenant à la Bible hébraïque et des ouvrages (traduits ou composés directement en grec) n’appartenant pas à celle-ci. La liste des livres présents dans la Septante, ou « canon alexandrin », est dont plus étendu que le canon de la Bible hébraïque.
Dans la Septante, on rencontre trois livres d’Esdras : Esdras Alpha, Esdras Beta et Esdras Gamma (du nom des trois premières lettres de l’alphabet grec). Esdras Beta est la traduction du livre d’Esdras de la Bible hébraïque et Esdras Gamma est la traduction du livre de Néhémie. Esdras Alpha est un autre livre qui ne figure pas dans la Bible hébraïque.
Dans la Vulgate, traduction latine de la Bible opérée par Saint Jérôme (vers 405), un nouveau livre attribué à Esdras fait son apparition. Désormais, on compte quatre livres d’Esdras ! Cependant les numéros d’ordre ne correspondent pas à ceux de la Septante.
Pour compliquer encore les choses, les spécialistes du 4e livre d’Esdras ont vite repéré que celui-ci comportait un texte principal d’origine juive (les chapitres 3–14) encadré par un prologue (ch. 1–2) et un épilogue (ch. 15–16) d’origine chrétienne. Ils ont pris l’usage d’appeler le prologue « V Esdras » et l’épilogue « VI Esdras ». La partie centrale (ch. 3–14) est également connue sous le nom d’Apocalypse d’Esdras.
Dans ce Dossier, nous nous en tiendrons à la numérotation adoptée par la TOB. I Esdras correspond donc au livre d’Esdras et II Esdras à celui de Néhémie. Puis nous examinerons III Esdras et enfin IV Esdras.
© Pierre de Martin de Viviès, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 180 (juin 2017), « Les quatre livres d’Esdras », p. 4-5.