Le nom des pharisiens viendrait de "parash", "séparer"...
Les pharisiens
Leur nom viendrait de parash, « séparer ». On les rattache au groupe des hassidîm et à Esdras, le prêtre qui était scribe. Les hassidîm sont les juifs « pieux » (c’est le sens du mot hébreu) qui, au temps de la restauration nationale animée par Esdras, à la fin du ve siècle av. J.-C., pensent qu’il ne suffit pas de reconstruire le Temple et Jérusalem ; il faut aussi rebâtir une vie spirituelle capable d’animer ces pierres, fondée sur l’étude de la Torah et sur la prière.
En 167 av. J.-C., lors de la crise maccabéenne, ces juifs pieux se divisent : au début, ils sont avec Mattathias mais, dès Judas Maccabée, certains quittent la résistance car, à leurs yeux, la lutte de Judas a un caractère plus politique que religieux. Là serait l’origine des pharisiens et des esséniens.
Les pharisiens ont un tel respect de la prière cultuelle et du sacerdoce qu’en 96 av. J.-C., ils osent défier Alexandre Jannée, contestant son double titre de roi et de grand-prêtre. La répression est cruelle, la guerre civile traîne six années pendant laquelle des milliers d’entre eux sont crucifiés. Par la suite, Salomé Alexandra, acquise à leurs idées, leur permet de développer leur influence, y compris dans le Sanhédrin.
Le respect vis-à-vis du grand-prêtre quel qu’il soit, liée à une méfiance envers le pouvoir politique, est constant chez eux. En 63, lors du conflit entre Aristobule II et Hyrcan II, ils envoient, au nom du peuple, une délégation à Pompée pour demander à ne plus avoir de roi. Plus tard, Hérode le Grand ne parvient pas à leur faire prêter le serment d’allégeance envers lui.
Ils recrutent dans toutes les classes de la société, même chez les prêtres. Parmi eux, les scribes sont nombreux. Ils connaissent bien la Torah, s’efforcent d’en vivre eux-mêmes et considèrent de leur devoir de la diffuser, ce qu’ils font, notamment à la synagogue. Conscients de leurs limites et leurs défauts, certains auraient pu signer le texte polémique de Mt 23,1-36 : « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites… » (cf. encadré, p. 00).
Leur audience est énorme auprès du peuple, au point que les autorités tiennent compte de leur avis, y compris le grand-prêtre pour des questions concernant le culte. Au Ier siècle de notre ère, si les préfets et procurateurs semblent plutôt prosadducéens, les pharisiens trouvent de sérieux appuis dans les rois Agrippa Ier et Agrippa II. De par leur place au Sanhédrin, ils sont vraiment les défenseurs du peuple et apparaissent comme le premier parti politique autant que religieux.
Néanmoins, ils se veulent séparés du petit peuple (c’est là, vraisemblablement, le sens de leur nom). Le « peuple de la terre » (hamé ha’ares) leur paraît ignare et impur, respectant peu les préceptes, les dîmes et les purifications. Il contredit leur idéal : faire de tout Israël un peuple saint, vivant et portant au monde la sainteté de Dieu.
Pour eux, la Torah se répartit en deux : la Torah écrite et la Torah orale. Toutes deux données par Dieu au Sinaï, la seconde est le mouvement interprétatif de la première et elle s’est transmise de génération en génération. Le travail des scribes (les rabbis) continue cette tradition vivante qui tient compte des conditions nouvelles et dialogue même avec des conceptions hellénistiques (à condition de les fonder dans les Écritures). Entre eux, les débats peuvent êtres vifs, comme en témoignent, sous Hérode le Grand, les « écoles » de Hillel et de Chammaï (cf. p. 00). C’est de la Torah orale que sont nées des idées telles que l’égalité foncière des hommes et la valeur de l’individu, ainsi que la croyance en la rétribution (jugement selon les mérites), à l’immortalité, à la résurrection des morts. Dans la mesure où l’on respecte la Torah, écrite et orale, on acquiert les mérites nécessaires au salut et à l’envoi du Messie qui établira enfin le Royaume de Dieu, chassant du même coup toute présence étrangère hors de la terre d’Israël.
Au contraire des sadducéens et des esséniens, les pharisiens ont survécu à la catastrophe de 70. Bien structuré, profondément religieux malgré ses excès, le pharisaïsme a permis la renaissance du judaïsme à Yavneh (Jamnia, non loin de la côte méditerranéenne) sous la conduite de Yohanan ben Zakkaï, disciple de Hillel.
Encadré de la p. 68 :
Sept sortes de pharisiens
Les pharisiens eux-mêmes savent, avec un humour féroce, distinguer entre les bons et les mauvais d’entre eux. Quatre textes du Talmud nous en donnent des listes différentes (voir l’article « Pharisiens » dans le Supplément au Dictionnaire de la Bible, colonnes 1074-1075). Voici, choisis librement dans ces quatre textes, quelques extraits présentant sept catégories de pharisiens :
● Les « forts d’épaule » : ostentatoires, ils écrivent leurs actions sur leur dos pour se faire honorer des hommes.
● Les « traînards » : ils prétextent un précepte urgent à accomplir pour retarder une tâche comme le traitement de leurs ouvriers.
● Les « calculateurs » qui se disent : Comme j’ai à mon actif beaucoup de mérites, je puis me payer un délit !
● Les « économes » : Quelle petite chose vais-je accomplir pour augmenter mes mérites ?
● Les « scrupuleux » qui se demandent : Quel péché caché ai-je commis pour le compenser par une bonne action ?
● Les « pharisiens de la crainte » qui agissent comme Job.
● Les « pharisiens de l’amour » qui agissent comme Abraham.
© Christiane Saulnier, Bernard Rolland et Gérard Billon, Cahier Évangile n° 174, La Judée au temps de Jésus, p. 66-68.