L’évangile de Marc présente un chemin inattendu pour la femme africaine...

L’approche féministe de la Bible, qui tient compte du rôle de la femme en Afrique, devient de plus en plus fréquente. Aujourd’hui, avec la montée de l’exégèse féministe, il est difficile de prétendre à l’objectivité d’un discours. Toute interprétation est conditionnée par le background de l’interprète. Je suis un Mauricien et je vis dans un pays qui n’est ni secoué par les atrocités de guerre ni marqué par une instabilité politique ni victime d’une mainmise économique étrangère. À Maurice, l’accès à l’éducation est quasiment possible pour tous les enfants et la santé est gratuite, alors que, selon une enquête de l’OCDE en 2015, l’Afrique sub-saharienne affiche un taux très élevé de femmes ne sachant ni lire ni écrire et l’accès à la santé y est très faible. Je suis partie prenante de ce qui se passe mais, en même temps, je ne peux éprouver ce que ressent celui ou celle qui vit ces situations. Comment rendre justice à un tel sujet à partir de ma situation d’insulaire et de mon identité métissée africaine, indienne et européenne ?

L’évangile de Marc présente, selon moi, un chemin inattendu pour la femme africaine et, par conséquent, pour l’homme aussi, comme nous le verrons. Cet évangile se déploie dans un contexte de persécution et d’oppression qui engendre la peur, la lâcheté et le silence. Ce qui est éprouvé dans cet évangile peut être mis en relation avec ce que vivent un bon nombre de femmes africaines qui connaissent aussi la persécution et l’oppression. Ensuite, de même que les femmes africaines ont peu droit à une parole publique, de même l’évangile de Marc est peu sollicité par les biblistes pour parler des femmes.

Les situations parallèles entre les femmes en Afrique et celles de l’évangile de Marc sont une invitation à rapprocher ces deux univers. Le monde de Marc rejoint celui des femmes en Afrique aujourd’hui et, réciproquement, le monde des Africaines interroge le texte de cet évangile. Pour ce faire, j’ai choisi le texte le plus controversé de Marc, celui qui met en avant les femmes au tombeau (16,1-8). Le dernier verset de la finale (16,8) qui, en se terminant sur le silence, la peur et la fuite, reste une énigme : « Elles sortirent et s’enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées ; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. » Comment concilier la thématique de la fuite, du silence et de la peur avec la femme comme modèle du disciple ? Doit-on conclure, avec d’autres, que les hommes comme les femmes ont échoué parce que tous s’enfuient ? Pour appuyer ma démonstration, j’éclairerai l’attitude des femmes au tombeau par la guérison de la belle-mère de Simon (1,29-31) et la femme au parfum (14,3-9).

© Patrick Fabien, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 176 (Juin 2016), « Femmes bibliques vues d’Afrique », p. 39-40.