"Tout récit est une actualisation du passé.
Un souvenir qui n'est plus raconté se perd, il tombe dans l'oubli.
Par le récit, le souvenir reste vivant. Il continue à influencer, voire à donner sens à notre existence »
(B. Sesboüé).

Progressivement, au fil des quatre étapes, les récits évangéliques ont dévoilé une part de leur mystère. Peu à peu, le parcours nous a menés au sens inscrit dans le texte par le narrateur, mais caché sous les mots du texte. « Hors du texte, pas de salut » était-il écrit au départ de la deuxième étape. Nous avons respecté cette règle au cours de chaque étape, dans une démarche lente et rigoureuse. La fantaisie est interdite à qui désire respecter les mots, les phrases, le style, utilisés par les auteurs pour nous livrer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.

Il nous reste à faire résonner chacun des récits avec d'autres récits bibliques, extraits de l'évangile dans lequel est inséré l'épisode évangélique ou extraits des autres livres de la Bible, Nouveau Testament et Ancien Testament.

Du premier mot de la Genèse au dernier mot de l'Apocalypse, c'est toujours la Parole de Dieu que les auteurs, inspirés, nous transmettent.

Cette dernière étape a un triple objectif :
– replacer le récit dans son contexte historique
– le replacer dans son contexte biblique
– le replacer da ns le contexte de la foi des premières communautés chrétiennes.

Dans cette étape, les exemples sont pris dans les récits évangéliques présentés jusqu'ici. Ils ouvrent simplement des pistes de recherche et n'ont pas la prétention d'épuiser la densité et la richesse des textes évangéliques.


Replacer le récit dans son contexte historique

Les épitres de Jean dénoncent les imposteurs qui "ne confessent pas Jésus Christ venu dans la chair" (2 Jn 7). Selon les apôtres et les disciples, en Jésus de Nazareth Dieu est entré dans l'Histoire. Il est devenu visible, palpable et audible dans l'humanité historique du fils du charpentier de Nazareth.

Les évangiles ne sont pourtant pas des « reportages en direct » de la vie de Jésus et leurs auteurs n'ont pas voulu faire œuvre d'historiens, chargés de faire revivre le passé. Néanmoins, les récits évangéliques sont racontés sur fond d'événements historiques. C'est affirmer notre foi en l’incarnation que de repérer les données historiques de chaque récit évangélique.

Comment faire ?

On ne peut travailler un texte biblique qu'avec une Bible comportant des notes. Ces notes sont le fruit des recherches et réflexions des biblistes, au service de la foi chrétienne.

Dans le texte, repérer les termes qui font allusion aux événements de l'époque, aux autorités politiques et religieuses, aux divers pays, peuples et nationalités. En marge du texte, regarder les références qui renvoient à d'autres textes du Nouveau Testament ou de l'Ancien Testament. En bas de page, prendre connaissance des notes qui apportent des précisions et données d'ordre historique et culturel. À la fin des Bibles, consulter le tableau chronologique, les cartes, le glossaire, I'index des notes importantes, etc. Sans oublier les introductions qui présentent chacun des quatre évangiles.

Les Mages à la recherche de l'enfant (Mt 2,1-12)

"Nous avons vu son astre dans le Levant" disent les Mages arrivant à Jérusalem. Dans la communauté judéo-chrétienne du narrateur, cette phrase est bien comprise. Dans l'Ancien Testament, le mage Balaam avait annoncé : « De Jacob monte une étoile, d'Israël surgit un sceptre » (Nb 24,17).

En Orient, l'astre était le signe des dieux et des rois. Dans le monde hellénistique, on utilisait cette image pour rappeler à chacun sa destinée, "son étoile". Le thème de l'astre apparaissant à la naissance d'un grand homme, Alexandre ou César, était répandu dans le bassin méditerranéen. Dans la tradition juive, on racontait aussi comment des astrologues annoncèrent au roi la naissance d'Abraham : « Ils ont vu un astre se lever dans les cieux, cela indique un enfant qui prendra possession du monde entier » (Midrash Sefer ha-Yashar).

Les astres étaient considérés par les Anciens comme des êtres animés, de nature spirituelle : divinités pour les païens, messagers célestes pour les judéo-chrétiens. Dans le récit de Matthieu, l'astre guide les Mages vers la maison. Dans le récit de Luc, le messager céleste - l'ange -, guide les bergers à la crèche (Lc 2,8-16).

La rencontre de Jésus et de Zachée (Lc 19,1-10)

Pour comprendre l'insolite de la rencontre, il est utile de connaître la situation de Zachée. Dans la société juive, le publicain n'est pas bien vu. À la fois percepteur et douanier, il est officiellement chargé de percevoir auprès des Juifs les taxes et impôts au profit de l'occupant romain. Comme tel, il est qualifié de voleur. Scribes et Pharisiens n'hésitent pas à mettre publicains et pécheurs dans le même sac, tous gens peu fréquentables pour un juif respectueux de la Loi (cf. Mc 2,14-15 Mt 9,913). Ainsi s'expliquent les « murmurés » à l'encontre de Jésus qui prend l'initiative d'appeler Zachée et de s'inviter chez lui. À fréquenter des gens sans scrupules, on est soi-même perçu comme peu recommandable !

(...)

©  Pierre Moitel, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 93 (Septembre 1995), « Des récits d’Évangile. Apprentissage d’une lecture », p. 56-58.