Les deux premiers chapitres de l’évangile de Luc, appelés « évangiles de l’Enfance », constituent en quelque sorte un prologue à l’ensemble du récit...

Les deux premiers chapitres de l’évangile de Luc, appelés « évangiles de l’Enfance », constituent en quelque sorte un prologue à l’ensemble du récit. Comme dans tout prologue, des éléments essentiels y sont donnés au lecteur pour comprendre la suite. Le ton dominant est la joie : joie des parents de Jean, joie de Marie, puis des bergers et des anges au moment de la naissance et, plus tard, d’Anne et de Syméon au Temple. La naissance de Jésus, présenté comme sauveur, est avant tout une bonne nouvelle, celle de l’avènement du règne de Dieu.

Celui-ci est présenté d’abord comme l’expression de la miséricorde de Dieu pour l’humanité. Cette miséricorde prend des aspects très concrets, dès le début de l’évangile. Ainsi, au-delà de toutes les interprétations extrêmement riches que l’on peut faire des personnages d’Élizabeth et de Zacharie qui symbolisent, notamment, l’attente d’Israël, c’est de parents âgés et stériles que naîtra celui qui préparera la venue du messie, Jean, dont le nom, en hébreu, signifie « Dieu fait grâce ».

Comme chez les prophètes, la miséricorde de Dieu comporte une dimension politique, proclamée par Marie dans le Magnificat, hymne pétri de références à l’Ancien Testament, en particulier à la prière d’Anne, mère du prophète Samuel (1 S 2,1-10) : « 50 Sa bonté [« miséricorde », eleos] s’étend de génération en génération sur ceux qui le craignent. 51 Il est intervenu de toute la force de son bras ; il a dispersé les hommes à la pensée orgueilleuse ; 52 il a jeté les puissants à bas de leurs trônes et il a élevé les humbles ; 53 les affamés, il les a comblés de biens ; et les riches, il les a renvoyés les mains vides. 54 Il est venu en aide à Israël son serviteur en souvenir de sa bonté [« miséricorde », eleos], 55 comme il l’avait dit à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa descendance pour toujours » (Lc 1,50-55).

Le salut est présenté avant tout comme le pardon des péchés, décrits comme ténèbres et ombre de mort dans la prophétie de Zacharie, au moment de la naissance de son fils Jean : « 76 Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut, car tu marcheras par devant sous le regard du Seigneur, pour préparer ses routes, 77 pour donner à son peuple la connaissance du salut par le pardon des péchés. 78 C’est l’effet de la bonté [« entrailles de miséricorde », splanchna eleous] profonde de notre Dieu : grâce à elle, nous a visité l’astre levant venu d’en haut. 79 Il est apparu à ceux qui se trouvent dans les ténèbres et l’ombre de la mort, afin de guider nos pas sur la route de la paix » (Lc 1,76-79).

Jésus, lui-même, nait « dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes » (Lc 2,7), dans une situation de précarité donc. Les premiers informés de sa naissance sont des bergers, profession considérée comme marginale à l’époque et dont on se méfie.

© Catherine Vialle, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 178 (décembre 2016), « La miséricorde dans la Bible », p. 38-39.