C’est à l’époque moderne que l’on s’est mis à réunir ces textes...

Les écrits apocryphes chrétiens  ne sont pas des écrits juifs, et ils ne doivent être confondus ni avec les « deutérocanoniques » de l’Ancien Testament ni avec les « écrits intertestamentaires ». On ne doit pas non plus les appeler « apocryphes du Nouveau Testament » – désignation fréquente –, car ils ne constituent pas un ensemble aux contours arrêtés qui figurerait à la fin du N. T. ou même dans un recueil quelconque : il n’existe pas et il n’a jamais existé de recueil des écrits apocryphes chrétiens adjoint au N. T., ni même indépendant.

C’est à l’époque moderne que l’on s’est mis à réunir ces textes. Selon les savants qui s’intéressaient au sujet, les recueils ne contiennent pas tous le même nombre de textes, tant s’en faut.

On fait remonter l’origine de la constitution de recueils d’« apocryphes du N. T. » à l’initiative de l’érudit luthérien allemand J. A. Fabricius qui, en 1703, publie à Hambourg un « Codex Apocryphus Noui Testamenti Collectus ». Fabricius réunit en deux volumes, en reprenant des éditions en langues anciennes réalisées avant lui, des évangiles (premier volume), des actes, des lettres et des apocalypses (second volume). Son intention est essentiellement dogmatique. Il s’agit, compte tenu du succès que connaît cette littérature, de les publier afin de les faire mieux connaître. Fabricius est conscient de ce que, si ces écrits sont nuisibles au commun des fidèles, ils peuvent rendre service aux gens instruits, car « ils enseignent l’histoire des vieilles hérésies et éclairent la compréhension des Pères ». En réunissant des textes en un corpus, en les ordonnant selon le même plan que celui du N. T. (Évangiles, Actes, Lettres, Apocalypses), et en donnant à sa publication le titre de « Livre apocryphe du Nouveau Testament », Fabricius suggère, sans le vouloir, qu’il existe une sorte de « N. T. bis », rattaché au premier N. T., et dont le plan serait le même que celui de ce dernier.

Par la suite, en particulier au XXe s., les recueils d’apocryphes s’inspireront de cette organisation et porteront le même titre, que ce soit en anglais, en allemand ou en italien. C’est pour éviter ces ambiguïtés que les chercheurs de l’Association pour l’étude de la littérature apocryphe chrétienne (AELAC) ont préféré renoncer à la formule « apocryphes du N. T. » pour lui préférer celle d’ « écrits apocryphes chrétiens ».



© Jean-Marc Prieur, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 148 (juin 2009), "Les écrits apocryphes chrétiens", pages 4-5.