Les évangiles se présentent à nous comme une succession des rencontres de Jésus...
Les évangiles se présentent à nous comme une succession des rencontres de Jésus. Récits de vocation, récits de miracles, discours et polémiques provoqués par des interlocuteurs à chaque fois nouveaux, ce sont plus d’une trentaine d’épisodes qui s’articulent sur l’intrigue principale de chaque évangile. De nombreux personnages apparaissent puis disparaissent. Si on excepte Jésus, le héros de l’histoire, ainsi que ceux qui l’accompagnent, nous sommes peu renseignés sur la plupart d’entre eux. Nous ignorons leur destin et même leur nom pour la plus grande joie des conteurs et des romanciers qui imagineront la suite de l’histoire, comblant ainsi les vides…
Si l’on s’en tient aux évangiles, il n’est pas inutile de s’interroger sur la signification de ces rencontres : qui Jésus rencontre-t-il ? Comment ? Pourquoi ? Bien sûr, affronter ces questions, c’est interroger les choix narratifs, considérer les récits dans leur particularité et dans leur enchaînement – ce que nous pouvons appeler leur « trajectoire ». Cette trajectoire est au service d’une orientation théologique, d’un regard porté sur le Christ, sa manière d’entrer en relation avec les hommes et les femmes, souvent anonymes, qui croisent sa route. Au gré des lectures et des analyses, il s’agit donc de tenir ensemble trois expériences qui s’articulent, s’éclairent et parfois s’entremêlent :
- le noyau dur, irréductible et inatteignable, de l’expérience de Jésus historique, homme de la rencontre ;
- l’expérience des premières communautés qui ont recueilli la mémoire de Jésus, non sans la mesurer à la multiplicité des rencontres qui les avaient constituées comme communautés ;
- notre expérience personnelle et communautaire de lecteurs marqués par des rencontres de personnes dont nous ignorons les noms mais qui ont fait date dans nos existences.
Dans le cadre de ce Dossier, il n’était évidemment guère possible de traiter l’ensemble des évangiles. Il a donc fallu opérer un certain nombre de choix :
1) Nous nous sommes restreints aux évangiles synoptiques. L’étude de l’évangile de Jean nous aurait entraînés sur d’autres terrains : les récits de rencontre y sont plus longs et plus complexes. Il suffit de mentionner ici l’épisode de la guérison de l’aveugle-né (Jn 9) qui se déploie en plusieurs petites scènes dont certaines se déroulent en l’absence de Jésus.
2) Dans les évangiles synoptiques, nous nous sommes limités à ce qu’il est convenu d’appeler le « ministère de Jésus » depuis son baptême jusqu’à l’entrée à Jérusalem, prédication dans le Temple incluse.
3) Parmi les nombreux épisodes, nous avons privilégié les suivants :
- La rencontre de Jésus avec la veuve dans le Temple (Mc 12,41-44) est apparue comme une bonne entrée en matière, le personnage étant anonyme et la rencontre rapide (s’agit-il d’ailleurs vraiment d’une rencontre ?). La lecture de l’épisode fournira quelques clés pour la suite du travail.
- L’étude des rencontres de Jésus avec les personnes souffrantes (malades ou possédés) s’est imposée, vu leur importance dans les récits évangéliques.
· La catégorie des rencontres avec les parents qui intercèdent pour leur enfant, quoique peu nombreuse, méritait d’être traitée à part, non seulement pour l’émotion qui s’en dégage, mais pour la théologie construite par chaque évangéliste.
© Vianney Bouyer, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 160 (juin 2012), "Les anonymes de l'Évangile" (p. 4-5)