L’archéologie n’est pas en rapport direct avec l’histoire événementielle...

On retiendra d’abord de ce parcours que l’archéologie est une discipline à part entière, indépendante quant à ses méthodes, mais dont l’interprétation des résultats la met en rapport plus ou moins étroit avec le travail de l’historien. L’archéologie apporte des données précises dans le domaine de la culture matérielle pour une région déterminée. À cet égard elle a partie liée avec l’Histoire, non pas tant avec l’histoire événementielle – bien que cela puisse être le cas – mais d’abord avec l’histoire de la vie quotidienne, car elle offre des données précises sur l’habitat, la vie agricole et artisanale, l’évolution des techniques, l’alimentation, voire certains aspects de la vie religieuse.

L’archéologie n’est pas en rapport direct avec l’histoire événementielle. Certes il arrive, et nous l’avons indiqué, qu’un niveau de destruction, par exemple à Lakish ou à Jérusalem, puisse être interprété à la lumière d’événements qui ne sont connus que par les textes. Il ne s’agit pas de retomber dans un concordisme irréfléchi comme ce fut le cas dans le passé, mais de reconnaître avec de bons arguments la possibilité de recoupements.

Nous avons d’ailleurs terminé notre présentation, de manière consciente, par l’examen de quelques inscriptions royales dont il faut bien reconnaître qu’elles sont en petit nombre et qu’aucune n’est due à un roi d’Israël ou de Juda – ce qui appellerait une réflexion au-delà du constat. Pour précieuses qu’elles soient, ces inscriptions exigent, elles aussi, un examen critique du point de vue historique.

Prenons un exemple qui nous éloignera des périodes étudiées ici : la courte inscription sur pierre trouvée à Césarée en 1961 qui mentionne Ponce Pilate comme '' préfet '' de Judée. Dans un premier temps le titre a surpris, tant nous étions habitués au titre de '' procurateur '' donné à ce personnage. Seule une recherche historique permet de découvrir qu’il y eut sous le règne de Claude un changement de titulature vers l’année 46 ap. J.-C. (voir J. P. Lemonon, ''Pilate et le gouvernement de la Judée'', Gabalda, Paris, 1981, p. 43-58.). L’archéologue qui trouve un tel document doit passer le relais à l’historien. Ainsi archéologie et histoire ont partie liée, mais représentent des domaines du savoir distincts, ce qu’il ne faut pas oublier.

Dans la trilogie Archéologie, Bible, Histoire, titre donné à ce Cahier, quelle place donner à la Bible ? À vrai dire, le lien que la Bible entretient avec l’archéologie est très ténu. Cela peut étonner, mais si on y réfléchit, la Bible est un livre ou, plus exactement, un texte dont la lecture obéit aux règles d’interprétation qui sont valables pour tout texte. Le fossé est donc grand entre l’archéologie et la Bible. Bien plus, si on tient à ranger le texte biblique du côté des textes historiques, on se heurte à d’autres difficultés, car même une page du livre des Rois mérite examen avant d’affirmer l’historicité de tel ou tel récit.

À cet égard l’expression '' archéologie biblique '' n’a pas rendu service, car elle a laissé croire qu’il existait une sorte de concordisme entre l’archéologie et le caractère historique de la Bible. Rien n’est plus faux et il faut donc résister à l’emploi d’une expression qui est passée dans le langage courant et qui laisse croire à un rapport immédiat entre l’archéologie et le texte biblique. La description que nous avons donnée du travail archéologique et de ses résultats montre bien que la Bible n’est pas normalement au point de départ de la recherche archéologique, car c’est le terrain qui commande. La distinction entre les disciplines que sont l’archéologie, l’histoire et l’exégèse biblique ne signifient pas la revendication d’une autonomie pure et simple, mais le souhait que les rapports puissent se faire dans le respect mutuel de chacune.


© Jacques Briend, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 131 (mars 2005) "Archéologie, Bible, Histoirei",  p. 18-19.