Épître aux hébreux 12,1-2. Au centre de ces sept lignes : Jésus...

La disposition de ces deux versets (Épître aux hébreux 12,1-2) est soignée – c’est souvent le cas dans la lettre. Au centre de ces sept lignes, Jésus ; les trois premières lignes concernent « nous », et les trois dernières lignes concernent « lui », Jésus. Cette disposition indique d’entrée de jeu une conviction : il y a une relation étroite entre notre vie à nous et sa vie à lui, et cette relation, c’est la ligne centrale qui l’indique.

« Nous », nous ne sommes pas seuls, nous sommes entourés. Entourés de cette immense foule de témoins qui nous ont encouragé quant à la « manière » de la foi, et cette présence est de bien plus de poids que les occasions de pécher ou les fardeaux qui nous entourent – par péché, entendons retour en arrière, loin de la suite du Christ. Notre vie est une lutte, pour laquelle notre foi prend le nom d’endurance – c’est de cela dont nous avons besoin (relire 10,36).

Endurance qui consiste à tenir notre regard fixé sur Jésus, par où nous trouvons un puissant encouragement ; tenir notre regard sur Jésus, c’est aussi voir l’invisible, c’est-à-dire prendre appui sur la conviction à laquelle nous a introduit toute la partie doctrinale de la lettre : Jésus comme grand-prêtre, liturge de notre salut. Ici, Jésus est évoqué par rapport à la foi, dont il est dit qu’il est l’initiateur et qu’il la mène à son accomplissement. Commencement et fin : Jésus ouvre le chemin de la foi, et il le parcourt jusqu’à son achèvement ; dans la vie de Jésus, la foi commence, et atteint à sa pleine maturité. La foi, articulée à l’espérance, prenant à l’occasion le nom d’endurance, est le régime de notre vie, et c’est celui de la vie du Christ. Nous sommes invités à vivre de la foi du Christ, et c’est possible parce que c’est lui qui commence, et que c’est lui qui achève. Telle est la relation entre notre vie à nous et sa vie à lui, c’est une même foi, la sienne, qui leur donne sa « manière » et leur permet de vivre les luttes et les épreuves en quoi elles consistent.

La péricope s’achève sur la session du Christ à la droite de Dieu : citation à nouveau du Ps 110, nous le savons, c’est le signe de la victoire acquise. Victoire acquise par le mouvement (depuis son entrée dans le monde jusqu’à la session à la droite de Dieu), ou l’acte (son office de grand-prêtre dans l’alliance nouvelle), de la vie de Jésus ; l’indication nouvelle ici est qu’en cette vie, joie et honte s’entremêlent. Jésus n’a pas revendiqué la joie (d’une victoire éclatante et merveilleuse), mais il a méprisé la honte (de la Croix), obtenant par là une victoire réelle et définitive. En disant cela du Christ, la lettre aide ceux à qui elle s’adresse à faire face à cette épreuve du déshonneur social auquel sont confrontés les chrétiens. Peu à peu, toute cette partie d’exhortation touche aux points cruciaux de la vie de ceux à qui elle s’adresse : et, à chaque fois, nous constatons qu’elle les rapporte au mystère du Christ, qu’elle a déployé dans la partie doctrinale.


© Jean-Marie Carrière, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 151 (mars 2010), "Tenez bon ! Relire la Lettre aux Hébreux", pages 54-55.