« Ne pouvait-il pas empêcher la mort de Lazare ? » Le narrateur insiste plusieurs fois sur l’absence étonnante de Jésus avant la mort de son ami

Dans la première scène, le narrateur indique que Jésus, après avoir appris la maladie de Lazare, a attendu deux jours là où il se trouvait et qu’il ne s’est mis en marche qu’une fois Lazare mort. Il insistera plusieurs fois ensuite sur l’absence étonnante de Jésus avant la mort de son ami, notamment en donnant la parole aux différents personnages les uns après les autres : Marthe (v. 21), Marie (v. 32) et les “ Juifs ” (v. 37). Il ajoutera d’ailleurs le temps passé depuis le décès : pas moins de quatre jours (v. 15). C’est une manière de mettre en valeur les questions que se posent les personnages et leur incompréhension devant la façon de faire de Jésus. Pourquoi Jésus a-t-il tardé ? Ne pouvait-il pas empêcher la mort de son ami ? Cette question reçoit indirectement dans le texte une double réponse.

Oui, il aurait pu l’éviter. Celui qui a été capable de donner la vue à l’aveugle-né aurait pu éviter la mort de Lazare. Il avait la capacité de le faire. De fait, il fera sortir Lazare vivant. Mais cette sortie du tombeau est précédée de plusieurs rencontres qui permettent de comprendre que la question doit recevoir plutôt une réponse négative : non, il ne pouvait pas.

Non, il n’a pas pu éviter la mort de Lazare. C’est le drame qui, depuis toujours, se déroule dans l’humanité. Dieu a créé un être humain libre. Il n’a pas pu éviter la mort. Il n’évitera pas non plus la mort de son Fils. Ainsi, à travers la mort de Lazare, comme à travers sa propre mort, Jésus révèle le sens de la vie qui nous est offerte : elle n’est pas équivalente à l’immortalité, elle assume les réalités de la mort et de la souffrance.

Nous touchons là des questions existentielles de toujours. Le sens de la vie est-il d’éviter la mort ? La résurrection de Lazare se limite-t-elle à un « contraire » de sa mort ?



© Bernadette Escaffre,
SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 127 (mars 2004), "Autour des récits bibliques", (p. 48)