Pourquoi entreprendre la rédaction d’un Dossier des Cahiers Évangile sur le Pentateuque, treize ans seulement après la publication du précédent ?

Pourquoi entreprendre la rédaction d’un Dossier des Cahiers Évangile sur le Pentateuque, treize ans seulement après la publication du précédent (CE n° 106, 1998) ? La raison principale en est que la recherche littéraire et socio-historique a beaucoup évolué au cours de cette période assez brève.

Les mutations de l’approche historique
L’approche du texte biblique ne se résume plus à une mise en œuvre de la méthode historico-critique axée sur l’histoire de la composition. Cette méthode « diachronique » (qui traverse le temps) est aujourd’hui complétée par des méthodes « synchroniques » (qui s’arrêtent au texte tel qu’il se présente aujourd’hui). Les analyses littéraires en particulier renouvellent le travail d’interprétation.

Certes, la question historique demeure incontournable pour l’étude des traditions de la Torah, mais les hypothèses compositionnelles ont beaucoup évolué depuis le début des années 2000, de même que l’approche socio-historique des réalités judéenne et samarienne à l’époque perse. Enfin, l’approche canonique du texte biblique a conduit à mieux distinguer la rédaction des traditions bibliques, et l’acquisition par ces traditions d’une autorité canonique. Ces divers éléments doivent donc être pris en considération dans une présentation renouvelée des traditions du « Pentateuque », c’est-à-dire de la Torah qui, se constituant à l’époque perse, acquiert une autorité dans l’ensemble des communautés juives.

Un ensemble complexe
Présenter le Pentateuque (cet intitulé grec est purement descriptif : penta, « cinq », teukhos, « étui » : cinq étuis pour les rouleaux des cinq premiers livres de la Bible) est une entreprise difficile, du fait de l’extrême complexité de cet ensemble littéraire.

 Complexité de la composition d’ensemble. Cet aspect fut trop souvent négligé par le passé : le « moment » décisif de l’histoire du texte est celui où il devient la référence commune des communautés juives. Nous ouvrirons donc le Dossier par un chapitre consacré au moment de la « canonisation » des cinq livres du Pentateuque comme Torah (chap. I). Puis, nous survolerons cet ensemble littéraire unifié (chap. II).

 Complexité des formes littéraires. Dans le texte sont associés des récits, des lois, des hymnes, des exhortations. Or, la question des motifs et des modalités de l’articulation des récits et des lois au sein du Pentateuque est décisive pour son interprétation.

 Complexité de l’histoire du texte. Dans quel contexte les traditions bibliques ont-elles été mises par écrit et quelles sont leurs références historiques ? Depuis plus d’un siècle, ces questions aiguillonnent l’intérêt des savants qui ont élaboré des théories successives pour rendre compte tout à la fois de l’histoire d’un texte devenu – au IVe s. avant notre ère – la Torah des juifs et des circonstances historiques de sa composition. Ce Dossier cherchera à aider le lecteur à entrer dans l’histoire de cette recherche (chap. III), jusqu’à ses développements les plus récents (chap. IV).

 Complexité théologique. Le texte biblique rassemble différentes traditions théologiques, manifestant une compréhension diversifiée de l’identité théologique d’Israël à l’époque perse. Nous essaierons de rendre compte de cette diversité interne à partir de quelques « portes d’entrée » thématiques : les institutions d’abord, puis l’alliance, la sainteté et la création (chap. V).

 Complexité de l’interprétation de la Torah. En finale, nous tenterons de montrer comment le Nouveau Testament se saisit des traditions et des thèmes théologiques de la Torah pour penser le mystère de Jésus-Christ. Plus précisément, nous envisagerons la manière dont les récits de l’institution de l’Eucharistie réinterprètent, dans une perspective d’accomplissement, les catégories théologiques de « sacrifice » etd’« alliance ».


© Olivier Artus, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 156 (juin 2011), "Le Pentateuque, histoire et théologie", p. 4-5.