Par Camille Focant et Daniel Marguerat dir.

Camille Focant et Daniel Marguerat dir.
Le Nouveau Testament commenté. Texte intégral. Traduction œcuménique de la Bible.

Bayard, Montrouge, 2012, 1248 p., 59 €

Le Nouveau Testament commenté (NTC) s’est donné pour objectif de balayer certaines des difficultés inhérentes à l’écart historique et culturel entre le moment de la rédaction et celui de la lecture contemporaine ; il attire également l’attention sur des points que la recherche actuelle a mis en valeur, en particulier sur la « fabrication » littéraire et ses développements théologiques. Certes, il existe déjà des ouvrages du même type et destinés à un public équivalent. Qu’il suffise de penser à la série « Commentaires » initiée dans les années 1990 par le Service biblique catholique Évangile et Vie [1]. La traduction – celle de la liturgie – n’était cependant pas complète, se limitant aux passages présents dans le Lectionnaire catholique. La traduction est ici intégrale et les éditeurs ont choisi la TOB révisée 2010 (voir C.E. n° 154, p. 59 ; curieusement, la belle notice sur les « Juifs », p. 445, ne s’articule pas sur la traduction variée du mot Ioudaioi qui est une originalité de cette révision). Le choix de la TOB ressort d’une conviction œcuménique qui s’est étendue à la liste des collaborateurs (onze protestants et sept catholiques).

Une collection d’exégèse savante s’intitule « Commentaires du Nouveau Testament » (Labor et fides) et une autre « Commentaire biblique : Nouveau Testament » (Éd. du Cerf). Certains des auteurs ont déjà écrit pour l’une ou l’autre. Chaque livre biblique y est examiné sous de nombreux angles : historiques, linguistiques, littéraires, théologiques. Par son titre, le NTC, lui, ne met pas d’abord l’accent sur ce paratexte, abondant et essentiel à tout chercheur, mais bien sur le texte lui-même.

Cela n’empêche pas les auteurs de prendre parfois leur distance vis-à-vis de la traduction, pour une plus juste écoute du texte original : ainsi l’emploi de « croyait-on » en Lc 3,23 (p. 272) ou bien de « femmes adultères » en Jc 4,4 (p. 1067)… Une future révision de la TOB, s’il y en a une, saura en tenir compte. Toute traduction étant perfectible, les critiques – au demeurant peu nombreuses – ne la dévalorisent pas.

La traduction de la TOB, son annotation et ses introductions sont le résultat d’un travail commun, sur chaque texte, de spécialistes de diverses confessions (et qui restent anonymes). Dépouillée du paratexte, la traduction paraît ici plus jeune, le commentaire de chaque livre ayant été confié cette fois à une seule personne reconnue pour sa compétence (exceptionnellement à deux, pour l’évangile de Luc). Le souci œcuménique a été tenu par le comité éditorial (trois catholiques, trois protestants) qui a veillé à ce que l’on mette en évidence la portée théologique de chaque œuvre « sans que les formulations ne se confondent avec une visée apologétique ou strictement confessionnelle » (p. 9). Prenons un exemple : le texte qui a longtemps divisé catholiques et protestants, l’épître aux Romains, a été confiée à M. Schoeni, pasteur baptiste. S’ils avaient participé au projet, nul doute que C. Reynier (>>>Pour lire cette recension) ou P. Bony (>>>Pour lire cette recension) dans leurs ouvrages récents auraient dit des choses différentes mais cela, en fonction de leur savoir et non de leur seule appartenance catholique. Tel quel, le texte est pédagogique, au diapason de l’ensemble, offrant à tout lecteur de quoi élaborer sa propre interprétation.

Chaque livre suit une présentation identique : après une brève introduction « L’auteur et son œuvre », une rubrique « En bref » donne un plan qui se termine par un « Pour en savoir plus » (quelques titres bibliographiques). Alors commence le parcours de lecture proprement dit. Selon le plan donné au préalable, le texte est découpé en unités de sens commentées et parfois appareillées de notices littéraires ou historiques. Concise, sans jamais tomber dans la paraphrase, l’explication privilégie les effets narratifs et rhétoriques du texte biblique. Il y a d’ailleurs un réel plaisir à parcourir celui-ci sans être arrêté par des références marginales ou des notes de bas de page. La maquette, élégante, joue sur deux couleurs (noir et rouge) avec un type de police pour le texte biblique disposé sur une colonne et un autre type de police, plus petit, pour le commentaire sur deux colonnes. La lecture est ainsi grandement facilitée. La connaissance du grec n’est pas requise (les mots ou expressions relevées sont translittérées et expliquées). La personnalité de chaque auteur transparaît parfois dans les titres, certains plus descriptifs (les évangiles), d’autres plus engagés (Rm, 1 et 2 P, etc.), dans ses choix d’analyse (Ga est la seule épître dont la dispositio rhétorique est prise en compte) ainsi que dans certaines options d’interprétation (en Ap où rien n’est évident, J. Descreux est obligé de trancher sans toujours justifier), mais elle s’impose rarement au détriment de la liberté du lecteur. Les éditeurs ont adopté le parti-pris – qui se comprend – de présenter en bloc les épîtres pastorales (p. 946-992) et les épîtres de Jean (p. 1104-1136).

À qui est destiné un tel ouvrage ? Aux animateurs de groupes bibliques, aux responsables de la liturgie, aux catéchistes, aux pasteurs, aux prêtres et aux diacres très certainement. À condition de disposer d’une formation initiale, toute personne qui s’intéresse à la Bible et à sa place dans la culture occidentale pourra en tirer profit, quelles que soient ses convictions religieuses. En osmose avec la traduction, le style des commentaires se veut limpide (dans le format imposé, on ne peut qu’apprécier la clarté des introductions à 1 et 2 Co par exemple) et l’unité de ton est sensible, au-delà de la diversité francophone (Suisse, Belgique, France ; le Québec n’est pas représenté). Le nombre et le choix des notices est un vrai bonheur. Un index permet de les retrouver facilement (celles de 2 Th réservent quelques surprises). En bonus, D. Marguerat offre un exposé lumineux sur le canon du N.T. (p. 11-17). Que l’utilisateur potentiel ne se laisse pas arrêter par le prix. L’investissement est sûr. Un souhait : on aimerait maintenant disposer d’un « ATC » (L’Ancien Testament commenté) ! (G. Billon)
Niveau de lecture : moyen

Gérard Billon, Cahier Évangile n° 162 (décembre 2012) p. 68-70.


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[1] Publiée aux éditions du Centurion, puis chez Bayard, et reconnaissable à sa couverture noire. Les évangiles ont été réunis en un volume, voir A. Marchadour (dir.), Les Évangiles. Textes et commentaires, « Compact », Bayard, Paris, 2001. Une compilation identique pour les trois volumes des lettres de Paul serait la bienvenue.