Le Notre Père ne cite pas directement les psaumes, mais il n'est pas une phrase, pas un mot (à part l'engagement au pardon fraternel) qu'on ne retrouve dans les psaumes. ..

Jésus a prié les psaumes et il était imprégné de la théologie et de la spiritualité qu'ils contiennent. Cela se voit au fait que la grande majorité des citations des psaumes dans les évangiles sont placées sur les lèvres de Jésus et qu'on les retrouve au moment ou au sujet de l'événement le plus important de sa vie : la mort / résurrection (cf. M. Gourgues, « Les psaumes et Jésus - Jésus et les psaumes », Cahiers Évangile n° 25, 62 p.). En s'identifiant ainsi au pauvre et au juste souffrant dont la voix retentit à travers les psaumes, Jésus assume tous les cris d'une humanité souffrante ainsi que son combat pour le triomphe de la vie contre la mort.

Le Notre Père ne cite pas directement les psaumes. Mais il n'est pas une phrase, pas un mot – à part l'engagement au pardon fraternel – qu'on ne retrouve dans les psaumes. On pourra lire, par exemple, le psaume 145, où on trouvera déjà bon nombre d'éléments :
• la sanctification du Nom : «Je bénirai ton nom à tout jamais » (v. 1; cf. aussi 2 et 21)
• la venue du Règne : « Ton règne est un règne de tous les temps » (v. I L 13)
• le don du pain quotidien : « Les yeux sur toi, ils espèrent tous, et tu leurs donnes la nourriture en temps voulu; tu ouvres ta main et tu rassasies tous les vivants que tu aimes » (vv. 15-16)
• le soutien dans la tentation : «Le Seigneur est l'appui de tous ceux qui tombent, il redresse tous ceux qui fléchissent » (v. 14)

Le Dieu qu'on prie dans le Notre Père est dans la ligne du Dieu des psaumes : un Dieu infiniment grand et proche, saint et roi, qui donne, pardonne et délivre du mal.

Le Notre Père résume toute la prière des psaumes en ce qu'il est partagé, lui aussi, entre deux cris : «Que ton nom soit sanctifié » qui dit la louange, et « Délivre-nous du mal» qui renferme tous les cris d'appel à l'aide (la supplication).

Le Notre Père réunit les deux pôles du psautier : le bonheur humain (Ps 1) et la gloire de Dieu (Ps 150). Le Notre Père, il est vrai, suit le mouvement inverse: il s'ouvre sur la gloire de Dieu et s'achève sur ce qui conduit au bonheur humain, mais il ne s'agit pas là de domaines séparés, puisque tout doit s'accomplir « sur la terre comme au ciel ».

La nouveauté du Notre Père se situe principalement à deux niveaux. D'abord, au niveau de l'assurance filiale avec laquelle les chrétiens invoquent leur Dieu: ce qui était seulement occasionnel dans l'A.T. devient ici la norme et la façon usuelle d'invoquer Dieu: Père prend ici la relève de Yahvé et devient le nom de Dieu par excellence. Et ensuite au niveau fraternel : on chercherait en vain un psaume exprimant la volonté de pardonner aux frères. On y fait souvent appel au pardon de Dieu, mais jamais à celui qu'on devrait donner. Là-dessus, le Notre Père présente une nouveauté radicale.

© Jean-Pierre Prévost, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 71 (Mars 1990), « Petit dictionnaire des Psaumes », p. 46 (encadré).