L’approche du ministère du Pape ne peut se faire aujourd’hui que dans une perspective œcuménique...
Il convient d’emblée de préciser que le terme même de « ministère pétrinien » est caractéristique d’une approche catholique. On parlera plus généralement d’un « ministère de primauté » au plan de l’Église universelle. Une des questions demeurant dans le dialogue œcuménique étant celle du lien entre le ministère de Pierre telle qu’il apparaît dans la Bible et ce fameux ministère de primauté au plan de l’Église universelle. L’approche de ce ministère ne peut se faire aujourd’hui que dans une perspective œcuménique, d’une part, parce que Jean-Paul II l’a inscrite parmi les débats principaux pour accéder à l’unité des chrétiens (cf. encadré, p. 00) et, d’autre part, parce que ce rôle reconnu au pape a joué un rôle crucial dans la division des Église chrétiennes. Il convient d’abord d’en prendre la mesure.
Même si l’on peut dire que les Églises d’Orient et d’Occident ont vécu dans l’unité durant le premier millénaire chrétien, les relations entre les deux grandes aires de la chrétienté se sont peu à peu dégradées jusqu’à une rupture avec l’échange d’anathèmes de 1054, puis les croisades avec le drame de la prise et du sac de Constantinople par les Latins en 1204.
Les Églises d’Orient reconnaissaient l’autorité morale dont jouissait l’Église de Rome depuis le premier siècle en vertu du lieu du martyre des apôtres Pierre et Paul et de la présence en ce même lieu de leur tombeau. Étaient également reconnus à Rome une primauté d’honneur au sein des différents patriarcats et un rôle de régulation en matière de foi et de discipline ecclésiale. Ignace d’Antioche évoque, au début du deuxième siècle, l’Église de Rome « qui préside dans la charité » (Épître aux Romains, Prologue). Mais, peu à peu, les Églises d’Orient vont dénoncer le glissement progressif des prérogatives de l’Église de Rome vers l’Évêque de Rome, ainsi que le mouvement de centralisation qui va en découler lors de la réforme carolingienne (VIIIe – IXe – siècle) mais surtout au cours de la réforme grégorienne (XIe siècle).
Du côté protestant et durant la Réforme du XVIe siècle, Luther fut certainement le plus virulent dans sa critique de la papauté. Il lui reprocha de refuser l’Évangile, de fermer aux hommes la porte du Royaume des cieux, et de réserver le salut à ceux qui acceptent de le suivre. Le pape devient « l’Antéchrist ». Sans reprendre ces qualificatifs, le mouvement protestant de Réforme s’est toujours présenté comme une « libération » par rapport à Rome.
Lors de sa visite au COE (Conseil Œcuménique des Églises) en 1969, le pape Paul vi affirma qu’il était conscient que son ministère était parmi les obstacles les plus importants à l’unité des chrétiens. Cependant, après le concile Vatican II et son affirmation que l’unité de l’Église ne pouvait pas être conçu comme un retour pur et simple des autres Églises chrétiennes vers l’Église catholique, de nombreux dialogues se développèrent dans lesquels la conception et le rôle du pape tinrent une place non négligeable et connurent des évolutions et des maturations dans les différentes Églises.
© Laurent Villemin, Cahier Évangile n° 165, Pierre, le premier des Apôtres, p. 50.