Limites, formation et plan du livre du livre du Lévitique

L'auteur de la Première lettre de Pierre écrit à ses lecteurs : « Vous aussi devenez saints dans toute votre conduite, car il est écrit : Vous serez saints parce que je suis saint » (1 P 1,1516). D'où vient cette citation ? Du troisième livre du Pentateuque, le Lévitique (Lv 19,2). Bien que cette formule ne soit citée dans le Nouveau Testament que par la première Épître de Pierre, elle est pourtant commentée par tous les textes qui appellent les chrétiens à vivre la sainteté, c'est-à-dire à vivre dans l'Esprit Saint. Nous nous proposons de relire cette citation dans son contexte, le Lévitique. Elle y figure quatre fois (Lv 11,44-45; 19,2; 20,7.26) et on y trouve aussi des formules apparentées comme « Je suis le Seigneur qui vous sanctifie » (20,8; 21,23; 22,16.32). Cela suggère que le Lévitique a beaucoup à dire sur la sainteté à laquelle sont appelés tous les membres du peuple de Dieu.

Le livre du Lévitique : le troisième livre du Pentateuque

En hébreu ce livre n'a pas d'autre titre que son premier mot : « Il appela (vayyiqra) Moïse ». Le titre grec donné par la traduction des Septante, « Lévitique », prête à confusion car ce livre ne parle qu'une seule fois des Lévites (23,32-34) ! En fait il en parle souvent indirectement, puisqu'il parle des prêtres, qui forment un clan de la tribu de Lévi; mais il les nomme « prêtres fils d'Aaron » (et non prêtres-lévites comme dans le Deutéronome); ce qui laisse de côté la plus grande partie de la tribu.

Limites de ce livre

Pius encore que pour les livres qui l'encadrent, l'Exode et les Nombres, se pose la question des limites de ce livre. Pour la fin, on aurait une bonne conclusion en 26,46 : « Tels sont les décrets, décisions et instructions que le Seigneur a établis entre les Isrsélites et lui sur le mont Sinaï par l'intermédiaire de Moïse », mais le chapitre 27 a été ajouté ultérieurement, avec sa propre conclusion : « Tels sont les commandements que prescrivit le Seigneur à Moïse pour les Israélites, sur le mont Sinaï » (27,34).

Quant au début, il n'y a pas de véritable introduction : 1,1 n'introduit que le premier chapitre et le verbe initial (« Il appela Moise ») n'a même pas de sujet exprimé. Si on veut un début plus évident, il faut chercher en remontant plus haut dans le livre précédent, l'Exode. On pourrait partir de Ex 34,29 ou même de Ex 24,16 qui introduisent une longue série de consignes données à Moïse pour qu'il les transmette aux prêtres et au peuple. Cette série se continue du reste après Lv 26 (et 27), au moins jusqu'à Nb 10. Elle s'interrompt quand même trois fois pour faire place à des récits qui mettent en scène la première application de telle ou telle prescription (Ex 36,1-39,43; 40,16-38; Lv 8,110,7). La dimension narrative se retrouvera d'une autre façon dans les bénédictions et malédictions du ch. 26.

Formation de ce livre

Comme pour les autres livres de la Loi, on devine que la formation du Lévitique s'est faite en plusieurs étapes, étalées sur plusieurs siècles. Une partie notable des règles liturgiques et des préceptes moraux peut remonter aux époques anciennes d'Israël, sous la royauté; les prophètes et les sages y font souvent allusion. Le premier écrit composé qu'on peut identifier est un discours exhortatif (catéchétique) conservé dans les chapitres 18-26 au moins, caractérisé par les appels à se sanctifier : on l'a naturellement surnommé « Loi de sainteté ». Ce texte doit venir des prêtres de Jérusalem et avoir été rédigé avant la fin du Vlle siècle, avant l'exil. En effet un des prêtres de Jérusalem, Ezéchiel, déporté en Babylonie en 597, utilise plusieurs fois dans sa prédication des formules de la Loi de sainteté (voir par exemple Ez 22,9-11). Cet écrit est à comparer avec le Deutéronome son contemporain et concurrent; ce qui distingue les deux écrits c'est leur style, leur théologie et leurs sources plus que les détails de la législation.

Pendant et après l'exil, au cours du Vle siècle, d'autres prêtres élaborent un vaste programme de restauration de la nation sainte, appuyé sur une nouvelle présentation de l'histoire, depuis la création jusqu'à la mort de Moïse : c'est « l’histoire sacerdotale » ou l'Écrit sacerdotal. Bien que structuré comme une narration, cet Écrit fait une grande place aux institutions et au culte. La Loi de sainteté y est intégrée au prix de quelques modifications.

Cet Écrit attirera ensuite beaucoup de textes plus rituels (plus techniques pourrait-on dire); ce qui accentue la tonalité rituelle du livre et multiplie les prescriptions de détail dans lesquels le lecteur moderne se perd facilement.

Il n'est guère possible de fixer le temps où ce mouvement d'accumulation s'est achevé. Même les récits des réformes de Néhémie (445430) et d'Esdras (398) ne citent pas toutes les institutions décrites dans le Lévitique; ils ne permettent pas de savoir si elles étaient toutes connues à la fin du Ve siècle.

Plan de ce livre

Il est toujours difficile de dégager le plan d'un livre quand les indices de structure littéraire sont nombreux. Ainsi on peut noter que les séries de prescriptions – introduites par la formule : « Le Seigneur dit à Moise : Parle aux Israélites (aux prêtres)... » – sont interrompues deux fois par des récits : Lv8-10 et 24,10-23. On relève quatre mentions du mont Sinaï comme lieu de la révélation : trois fois en conclusion d'une unité (7,38 et 26,46; 27,34) et une autre dans une introduction (25,1). Mais aucune des structures proposées à partir de ces indices n'apparaît convaincante. On se contentera donc de retenir le découpage selon les sujets traités.

I. Le rituel des sacrifices (1-7)

Il. Les prêtres (8-10)

Ill. Les lois sur le pur et l'impur (11 -16 [+ 1 7])

IV. La « Loi de sainteté » (18-26 [+ 27])


Les chapitres 17 et 27 sont des compléments sur les sacrifices; ils seront traités à leur place dans la suite des chapitres.

© Pierre Buis, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 116 (Juin 2001), « Le Lévitique - La Loi de sainteté », p. 5-7.