Ce discours est un véritable invitatoire à écouter la Sagesse, à en découvrir les mystères, pour en suivre la vérité...

Ce discours du livre de la Sagesse n'est pas sans rappeler les grands poèmes de la Sagesse personnifiée en Pr 8,22-31; Jb 28; Si 1 ou Si 24. C'est un véritable invitatoire à écouter la Sagesse, à en découvrir les mystères, pour en suivre la vérité. L'élément nouveau par rapport aux textes antérieurs est l'allusion aux mystères (v. 22) qui renvoie au secret jalousement gardé dans les religions à mystères et les doctrines ésotériques.

• Salomon n'est pas sage de naissance (7,1-6)

Salomon ne doit pas sa sagesse et sa compétence à une conception divine ou une naissance miraculeuse, contrairement à la prétention des souverains hellénistiques. Il est fils d'Adam, le « protoplaste » (premier-façonné). Il est fils d'un homme et d'une femme qui se sont unis « avec plaisir » (cf. 2 S 12,24-25). L'image du ciseleur (v. 1) ou celle du tisserand (Jb 10,1; Ps 139,13) ne peut renvoyer qu'à Dieu. Le temps de la gestation n'était évoqué que pour les animaux en Jb 39,2. Pour les humains, c'est la Septante (« Mon fils, aie pitié de moi, qui t'ai porté dans mon sein neuf mois » 2 M 7,27) et le N. T. (Lc 1,36.59) qui indiquent neuf mois. Mais bien des textes anciens (Épopée d'Atrahasis, 280-282; 2 M 16,7) parlent de dix mois, comme certains textes égyptiens et romains jusqu'au IVe siècle de notre ère. « La période de dix mois pour une gestation est à la fois la plus commune et la meilleure. L'enfant dont parle Sg 7,2 nait dans les meilleures conditions physiologiques, et l'auteur suit les théories communes de son époque. Il ne dit rien sur l'animation de l'embryon. Certes, cet embryon était déjà “lui”, mais l'auteur n'explique pas de quelle manière il l'était. En cela, il s'éloigne d'Aristote pour qui le père transmettait l'âme à son fils » (M. Gilbert). « Aucun roi n'a débuté autrement dans l'existence. Pour tous, il n'y a qu'une façon d'entrer dans la vie comme d'en sortir » (v.5-6).

• Salomon a demandé la Sagesse (7,7-1 2)

S'appuyant sur la prière de Salomon au sanctuaire de Gabaon (1 R 3,4-15 et 2 Ch 1,6-12), ces versets exaltent la Sagesse comme le bien le plus précieux, au-dessus des trésors les plus rares (cf. Jb 28,15-19; Pr 3,14-15; 8,10-11.19). On remarque toutefois que ce sont les valeurs appréciées par les Grecs, santé et beauté, qui sont mises en avant. La Sagesse est « mère » de tous ces biens.

• La sagesse artisane des biens moraux et culturels (7,13-22a)

Puis Salomon demande à Dieu son aide pour parler correctement de la Sagesse, pour communiquer à d'autres ce qu'il en a reçu. C'est la première fois dans la Bible qu'un auteur demande à Dieu de l'aider avant d'écrire ! Dieu « guide de la Sagesse et directeur des sages » communique à Salomon le savoir encyclopédique. Déjà Si 39,12-35, à la suite de Jb 38-39, dressait un catalogue des connaissances scientifiques. Ici, la culture du monde hellénique est référée à Dieu comme source de toute vérité.

• Éloge de la Sagesse (7,22b-8,1)

À l'esprit de la Sagesse sont dédiés 21 attributs (v. 22b-23) tirés du vocabulaire philosophico-religieux hellénistique. Ensuite l'activité de la Sagesse, dont l'origine divine est réaffirmée (v. 25) est envisagée d'abord dans le cosmos (v. 24-26), puis dans le monde des hommes devenant « amis de Dieu et prophètes » (7,27 – 8,1). Ces versets fourniront un langage à 1a christologie de certains écrits du N.T., que ce soit le « reflet » uni à la Gloire (Hb 1,3), ou le « miroir » ou 1'« image » (2 Co 3,18; 4,4; Col 1,15).

Le v. 27, qui est le cœur de la partie centrale du livre, révèle la grandeur de la Sagesse dans l'univers et surtout dans l'homme, la créature privilégiée : « Comme elle est unique, elle peut tout; demeurant en elle-même, elle renouvelle l'univers et, au long des âges, elle passe dans les âmes saintes pour former des amis de Dieu et des prophètes. »

• La Sagesse épouse et mère (8,2-9)

En Sg 7,13-22a, la Sagesse était présentée comme un trésor; ici elle est la Sagesse divine, riche de l'intimité et de la science de Dieu, qui devient l'épouse parfaite et la mère de tous biens. Une histoire d'amour où les réflexions de l'amoureux s'épanouissent dans la décision finale : « Je résolus donc d'en faire la compagne de ma vie, sachant qu'elle serait ma conseillère pour le bien, mon réconfort dans les soucis et le chagrin » (v. 9).

• La Sagesse royale (8,10-16)

La compagne idéale de Salomon dans l'exercice de sa royauté, dans l'administration du royaume et la responsabilité judiciaire: ainsi est tracé le portrait du sage dont la renommée franchit les barrières sociales et les frontières nationales. La réflexion de Salomon est construite autour du v. 13 : « J'obtiendrai, grâce à elle, l'immortalité et je laisserai à la postérité un souvenir éternel. » Telle était l'ambition du sage selon Si 39,9.

• La Sagesse demandée dans la prière (8,17-21)

Les versets 17-18 ouvrent des perspectives nouvelles. La parenté avec la Sagesse n'introduit pas seulement la pérennité du souvenir (cf. v.13), mais bien une immortalité personnelle, au-delà de la mort, qui est d'une autre nature que la simple substance d'une âme préexistante.

« J'étais un enfant bien né et j'avais reçu une âme bonne; ou plutôt, étant bon, j'étais venu dans un corps sans souillure. » (8,19-20). « Bien né » (euphyês) apparaît en 2 M 4,32; ce terme grec « remonte à Socrate et Platon et concerne les qualités du corps et surtout celles de l'âme: un corps en bonne santé, en encore plus, un esprit bien disposé sur le plan intellectuel et moral ». Et « l'âme bonne » qu'il a reçue ne renvoie sans doute pas à quelque conception grecque de la préexistence de l'âme, mais plus simplement à Gn 2,7 où l'homme est un corps animé. Il reste cependant que Sg 8,20, sans rejoindre la préexistence de l'âme, accepte de la pensée grecque l'idée d'une prééminence de l'âme sur le corps (cf. Sg 9,15: « un corps corruptible appesantit l'âme et cette tente d'argile alourdit l'esprit aux multiples soucis » (M. Gilbert).

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© Daniel Doré, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 113 (Octobre 2000), « Le livre de la Sagesse de Salomon », p. 28-30.