L'auteur du livre de la Sagesse de Salomon appartient à la communauté juive d'Alexandrie...

L'auteur du livre de la Sagesse de Salomon (Sophia Salômônos) appartient à la communauté juive d'Alexandrie. Cette proposition est largement partagée dans l'étude et la recherche contemporaine. « L'auteur était manifestement un maître dans un des centres juifs d'enseignement à Alexandrie, bien informé de la culture contemporaine et engagé à démontrer l'importance des principes du judaïsme pour les futurs maîtres intellectuels de son peuple » (J.M. Reese). Mais toute tentative pour donner à l'auteur de ce livre un nom, célèbre (comme le petit-fils de Jésus Ben Sira ou Apollos d'Actes 18,24) ou non, semble une entreprise qui manifeste surtout l'imagination des auteurs, car avec les mêmes indices ou arguments, on peut arriver à des résultats opposés. La fiction salomonienne est commune à d'autres écrits de sagesse biblique : les Proverbes, le Cantique et Qohélet. Contentons-nous donc de l'anonymat du Pseudo-Salomon !

La date de composition ne fait pas non plus l'objet de consensus. La « fourchette" des datations s'étend de 200-150 avant J.-C. jusqu'à 150 après. Cependant les études de ces dernières décennies réduisent cette fourchette et oscillent entre le règne d'Auguste (27-14) et celui de Caligula (37-41). La première proposition semble plus probable pour les raisons suivantes :
– le livre est vraisemblablement antérieur à l'œuvre de Philon d'Alexandrie (-20 ? à 54),
– les contacts avec la culture grecque, la philosophie hellénistique et les religions à mystères sont désormais évalués avec plus de précisions, - le livre ne reflète pas une persécution ouverte contre la communauté juive, mais plutôt l'apostasie de certains qui font cause commune avec des grecs libertins,
– des allusions au culte des souverains (Sg 14,17) et à la pax romana (Sg 14,22) peuvent correspondre tout à fait au règne d'Auguste,
– enfin une étude précise du vocabulaire rare ou des mots qui apparaissent ici pour la première fois dans la littérature grecque ajoute quelques confirmations […]

Quels sont les destinataires de ce livre ? Par deux fois en Sg 1,1 et 6,1 l'auteur s'adresse aux gouvernants, aux rois « dont la juridiction s'étend à toute la terre ». Une telle lettre ouverte aux grands de ce monde est-elle une fiction littéraire ? Cette défense et illustration de la religion d'Israël est sans doute destinée aux Juifs déracinés, tentés parfois par l'apostasie, ces Juifs « qu'il faut encourager par un écrit qui eût quelque ampleur et dont les formules ne blessassent pas les Gentils, lecteurs éventuels, et même lecteurs visés » (A. Gelin).

Cependant il ne faut pas oublier la royauté de la Sagesse, dont Salomon est la personnification éminente. La figure du roi dans les écrits sapientiaux n'est pas uniquement politique. Le maître de sagesse chercher à faire œuvre d'éducation, d'instruction. Le disciple, destinataire d'un tel écrit, est celui qui demain aura sa place dans la conduite des affaires de la société et des relations internationales. Son éducation d'aujourd'hui doit le conduire à découvrir la sagesse de Dieu et à y conformer sa vie.

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© Daniel Doré, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 113 (Octobre 2000), « Le livre de la Sagesse de Salomon », p. 9-10.