C’est dans le Livre de l’Heure qu’apparaît explicitement le Disciple aimé...

C’est dans le Livre de l’Heure qu’apparaît explicitement le Disciple aimé. La première mention se trouve dans le récit du dernier repas (Jn 13). Il est placé " tout contre Jésus " (13,23) puis " se penche sur [sa] poitrine " (v. 25). Plus tard, il est au pied de la croix (19,26), puis il entre dans le tombeau vide où il " voit et croit " (20,8). Il est encore présent dans l’épilogue au bord du lac de Tibériade où il reconnaît le Ressuscité (21,7), suit Pierre et Jésus (v. 20). Enfin, il est présenté par Jésus comme celui qui " demeure " et, par le narrateur, comme témoin véridique et auteur de l’évangile (v. 24). Dans le Livre de l’Heure et il est donc présent aux derniers moments de la vie de Jésus.

Point de vue historique. Depuis le IIe siècle, pour la tradition chrétienne, le Disciple aimé est l’apôtre Jean, fils de Zébédée, l’un des Douze. En effet, saint Irénée (aux environs de 180 apr. J.-C.) qui a connu Polycarpe de Smyrne (qui aurait lui-même connu Jean d’après Eusèbe de Césarée [Histoire Ecclésiastique V, 20,4]) affirme que le Disciple aimé a écrit l’évangile et s’appelle Jean : " Ensuite, Jean, le disciple du Seigneur, celui qui se pencha sur sa poitrine, publia lui aussi l’Évangile pendant son séjour à Éphèse d’Asie " (Adversus Haereses III, 1,1).

Point de vue narratif. Jean, le frère de Jacques, n’est jamais nommé explicitement dans le Quatrième évangile. Il est question une fois – et dans l’ultime chapitre – des " fils de Zébédée " (21,2), mais leurs prénoms, Jacques et Jean, connus par les Synoptiques, ne sont pas précisés. Par ailleurs, dans cet épisode, le Disciple aimé pourrait être n’importe lequel des disciples mentionnés au début du chapitre (sauf Pierre à qui il parle) : un des fils de Zébédée, Thomas, Nathanaël ou un des deux autres disciples présents mais restés anonymes. On ne peut donc pas identifier le Disciple aimé avec Jean. Dans aucun des passages du Quatrième évangile le Disciple aimé ne reçoit ce nom.

Ainsi, au niveau du récit, tout ce qu’on apprend sur son nom est qu’il est " aimé ". En ne lui donnant pas de nom concret, le narrateur veut peut-être laisser une figure disponible à laquelle le lecteur peut s’identifier. De plus, en précisant que c’est le Disciple aimé qui " rend témoignage de tout cela et l’a rapporté par écrit " (21,24), le narrateur nous enseigne que le témoignage et l’évangile prennent leur source dans l’amour de Jésus. Et si le Disciple aimé " demeure ", d’après la parole de Jésus à Pierre (21,22-23), c’est pour nous révéler, par son nom et par son écrit, l’identité réelle de tout disciple de Jésus : celle de " bien-aimé ".


[Voir Bernadette Escaffre, “Jean, le disciple bien-aimé”, dans Pierre Debergé (dir.), “La Bible et ses personnages. Entre histoire et mystère”, Bayard, Paris, 2003, p. 273-302.]

© Bernadette Escaffre, SBEV / Éd. du Cerf,Cahier Évangile n° 146 (décembre 2008) "Évangile de J.-C. selon St Jean. 2 – Le Livre de l’Heure (Jn 13–21)", pages 6 (encadré).