Le livre du Deutéronome se présente comme le résultat d'un long processus de formation et de maturation...

Le livre du Deutéronome se présente comme le résultat d'un long processus de formation et de maturation. Fidèles aux traditions fondamentales du peuple de Dieu, les auteurs du livre ont su cependant les adapter et les rénover sans cesse, afin de donner une réponse plus appropriée aux exigences d'un monde qui change. La société israélite des VIIIe-VIe siècles avant J-C. a été témoin de transformations importantes et décisives. Les élaborations successives et les retouches du Deutéronome prouvent clairement qu'il ne reste pas lettre morte, mais qu'il comporte un message vivant, ouvert et dynamique. On peut apprécier également l'effort pour instaurer un dialogue entre la religion et la culture de l'époque.

Point final du Pentateuque et début de l'Histoire deutéronomiste, le livre du Deutéronome irradie de sa théologie et de sa terminologie la majeure partie des livres historiques. C'est en lui que se reflètent à leur tour les traditions des prophètes et des sages. Rien de plus normal, donc, que quelques exégètes veuillent découvrir dans le Deutéronome le centre de l'histoire religieuse d'Israël, au point de le qualifier de « centre de l'Ancien Testament ». Mais un « livre de la Loi » peut-il occuper le centre de la révélation de l'Ancien Testament ? En réalité, plus qu'un simple sommaire de lois, le Deutéronome est une réflexion théologique profonde sur le sens et la valeur de la loi. C'est pourquoi la sienne est une « loi prêchée », une exhortation pressante à accomplir la volonté de Dieu.

Les enseignements du Deutéronome gravitent autour de Dieu et du peuple d'Israël, situés dans un vaste réseau de relations. On montre le peuple de Dieu solidement implanté dans la terre promise observant la loi du Seigneur. La vive conscience qu'à Israël d'être le peuple élu et aimé par Dieu le pousse, du plus profond de son être, à se conduire loyalement envers le Seigneur, à éviter tout ce qui pourrait le détacher de son amour. L'Israélite est appelé à vivre les pieds bien sur terre, mais le regard tourné vers le ciel, vers le Dieu qui lui fait don de la terre, comme fruit de sa bienveillance et de son amour.

L'amour de Dieu, proclamé dès le début du Deutéronome primitif, souvent répété et inculqué tout au long du livre, incarne la valeur essentielle à laquelle doivent se conformer toutes les autres lois. Cet enseignement recevra l'appui définitif de Jésus de Nazareth: « Si vous m'aimez, dira le Maître, vous garderez mes commandements » (Jean 15, 10). Sous cet aspect, le message du Deutéronome se rapproche considérablement du Nouveau Testament, en particulier de l'évangile de Jean. Voilà qui explique que certains exégètes pensent que le Deutéronome a servi de modèle au « Discours d'adieu » de Jésus, en Jean 13, 31 - 16, 33. L'accent mis sur l'amour de Dieu, comme base de l'obéissance à la loi, et sur la loi comme expression de l'amour, les références aux « signes » comme preuve de la présence de Dieu et indication de sa nature, etc. sont des thèmes communs au « Discours d'adieu» de l'évangile de Jean et au Deutéronome, « Discours d'adieu » de Moïse au peuple d'Israël.

Situé dans ce vaste et riche horizon, on comprend parfaitement que l'Église primitive ait accueilli avec grande sympathie le livre du Deutéronome, avec le désir d'en extraire ces valeurs permanentes qui peuvent éclairer et alimenter la vie des chrétiens. L'Eglise, nouveau peuple de Dieu, plonge ses racines dans l'antique peuple de Dieu, dont le livre du Deutéronome est un de ceux qui exposent le mieux la doctrine et la vie. Animé par cet esprit, saint Jérôme voit dans le Deutéronome la préfiguration de l'Evangile :

« Que soit vénéré dans l'Église le Deutéronome, qui est à la fois la seconde loi et la préfiguration de la loi de l'Évangile » (P.L. 22.245)

© Félix Garcia Lopez, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 63 (mars 1988), « Le Deutéronome », p. 61.