'Vanité des vanités, dit Qohélet, vanité des vanités, tout est vanité'' (1,2). Qui ne connaît cette formule célèbre ? Mais le terme "vanité" est ici plus complexe qu'on ne le croit souvent...
En Qo 1,2-3 nous avons rencontré trois termes : « vanité » (hebel), « profit » (yitrôn) et « peine » ou « travail » ('amal), qu'il convient maintenant d'étudier de manière plus précise, car leur interprétation commande pour une large part la compréhension d'ensemble du livret. La diversité même des traductions de ces termes chez les auteurs récents soulignerait, s'il en était besoin, la nécessité de cette recherche.
Vanité (hebel)
La racine hbl est attestée 78 fois dans l'A.T.; le verbe 5 fois le substantif hebel 73 fois. Qohélet totalise à lui seul 41 des emplois du substantif. Le sens premier et concret de hebel est le souffle, qui symbolise une réalité caduque, fugace :
« Les gens du peuple sont un souffle,
les gens illustres un mensonge;
en montant sur la balance,
à eux tous ils pèsent moins qu'un souffle » (Ps 62,10; cf. Ps 144,4).
Hebel est utilisé en un sens péjoratif pour disqualifier une expérience ou une réalité. En fonction des contextes, les traducteurs proposent de multiples équivalents : « fumée, vapeur, buée, néant, vanité, absurdité », etc. Ils ne se privent d'ailleurs pas de contester les traductions de leurs pairs, en notant que tous ces termes ont des correspondants précis en hébreu.
Relevons enfin que hebel désigne aussi les autres divinités et idoles, spécialement dans les textes deutéronomiques : « Ils m'ont donné pour rival ce qui n'est pas Dieu, ils m'ont offensé par leurs vaines idoles » (Dt 32,21).
Dans son commentaire, Podechard à analysé les emplois de hebel dans Qohélet selon trois grandes lignes :
– C'est d'abord l'activité de l'homme. Le parallèle habituel de hebel est « poursuite de vent » : « J'ai vu toutes les œuvres qui se font sous le soleil, mais voici que tout est vanité et poursuite de vent » (1,14; de même 2,11.17 et 4,4).
– C'est aussi la destinée de l'homme, soit prise dans son ensemble soit considérée à un moment déterminé mais décisif de l'existence : « Voici un homme qui a fait son travail avec sagesse, science et succès, c'est à un homme qui n'y a pas travaillé qu'il donnera sa part. Cela aussi est vanité et grand mal » (2,21; cf 2,23; 4,7-8; 6,12). Dans ces textes, hebel est souvent mis en parallèle avec « mal, mauvais, mal affligeant, mal cruel ».
– Les âges de la vie enfin sont qualifiés de hebel. Ici Qohélet insiste sur la fugacité du temps : « En effet, qui sait ce qui est le mieux pour l'homme pendant l'existence, pendant les nombreux jours de sa vaine existence qu'il passe comme une ombre ? Qui donc indiquera à l'homme ce qui sera après lui sous le soleil ? » (6,12; de même 7,15; 9,9; 11,8.10). Si tout est pour l'homme hebel, puisqu'il est un « être-pourla-mort », la question de Qohélet pourrait s'énoncer ainsi : quel bonheur, quelle joie lui sont donnés sous le soleil ?
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© Daniel Doré, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 91 (Mars 1995), « Qohélet – Le Siracide, ou l’Ecclésiaste et l’Ecclésiastique », p. 23.