Avant la réforme de Josias, la Pâque est un rite décentralisé, familial, dont la pratique a sans doute été héritée de groupes semi-nomades...

À la période royale, avant l’exil.

Avant la réforme de Josias, la Pâque est un rite décentralisé, familial, dont la pratique a sans doute été héritée de groupes semi-nomades : le rite de sang effectué après immolation de l’agneau pourrait avoir eu pour fonction de protéger le groupe des forces maléfiques avant la transhumance de printemps. Ex 12,21-23 donne un écho de cette compréhension ancienne du rite : la célébration de la Pâque protège Israël de la puissance maléfique du mashhît (le « destructeur »).

La réforme de Josias (fin du VIIe siècle avant notre ère) conduit à la centralisation de la célébration de la Pâque, qui a désormais pour cadre le Temple de Jérusalem et qui est greffée à la fête des Azymes (cf. Dt 16,1-8). Les deux rites étaient originellement indépendants l’un de l’autre, comme le montre le calendrier cultuel du Code de l’Alliance qui mentionne la fête des Azymes en Ex 23,15, mais ne cite pas la célébration de la Pâque. Ainsi, avec la réforme deutéronomique, une fête dont le cadre originaire de célébration se situe dans le clan ou dans la famille devient une fête de pèlerinage à Jérusalem.

Pendant l’exil.

La défaite de 587 avant notre ère met un terme à cette célébration centralisée : le Temple est détruit, une partie du peuple est exilée. La Pâque redevient alors un rite familial. Le rituel d’Ex 12,1-14 est un texte sacerdotal codifiant la célébration familiale de la Pâque. Celle-ci ne requiert ni lieu de culte, ni prêtre. Une telle législation semble parfaitement adaptée au temps de l’exil, durant lequel la Pâque apparaît comme l’un des lieux où peut se perpétuer l’identité du peuple, en l’absence de Temple. 

L’étymologie du substantif pesah – Pâque – est difficile à appréhender. Le texte sacerdotal d’Ex 12,1-14 établit un lien, un jeu de mots entre le terme pesah (v. 11) et le verbe pasah (v. 13) : « passer, sauter ». La célébration de la Pâque fait ainsi référence, selon ce texte, à la nuit durant laquelle Yhwh est « passé », a « sauté » par-dessus les maisons des Fils d’Israël à la vue du sang qui marquait leurs portes (cf. Ex 12,7), épargnant ainsi les premiers-nés des Fils d’Israël et faisant mourir les premiers-nés des Égyptiens.

Après l’exil.

La Pâque peut de nouveau être célébrée en Judée, où les juifs sont mêlés à d’autres peuples – d’où la nécessité d’énoncer des critères définissant les catégories de population qui peuvent se joindre à la célébration (cf. les prescriptions d’Ex 12,43-51, sans doute contemporaines de la loi de Sainteté) : ici encore, c’est l’identité du groupe juif de Judée qui s’affirme dans la célébration de la Pâque. Cette identité n’est pas une identité ethnique, mais une identité religieuse.

En effet, Ex 12,48 prévoit la possibilité qu’un étranger résident (ger) installé durablement en Judée puisse rejoindre la communauté et participer à ses célébrations, après avoir été circoncis. Le souci des auteurs sacerdotaux est donc d’éviter toute ambiguïté religieuse : aucune confusion ne doit avoir lieu entre le culte de Yhwh et les cultes étrangers. Pour autant, le groupe juif de Judée n’est pas un groupe fermé. Tous ceux qui partagent la même foi en Yhwh et acceptent de respecter les lois cultuelles peuvent le rejoindre.


© Olivier Artus, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 156 (juin 2011), "Le Pentateuque, histoire et théologie", p. 54-55.