La mission des disciples de Jésus consiste à faire advenir la justice du royaume des Cieux...
Obéissant à l’ordre de Jésus que les femmes leur ont transmis, les Onze se rendent en Galilée, là où la mission d’aller faire des disciples « de toutes les nations » prend tout son sens. Ils reviennent ainsi au-devant de la scène d’où ils étaient absents depuis leur fuite au moment de l’arrestation de Jésus. La rencontre a lieu « sur la montagne », lieu symbolique où sont situés des épisodes majeurs : la troisième tentation du diable, montrant, de là, « tous les royaumes du monde avec leur gloire » à Jésus ; l’enseignement sur le Royaume (Sermon sur la montagne, aujourd’hui le mont des Béatitudes) ; la Transfiguration. Le fait qu’ils se prosternent lorsqu’ils le voient montre qu’ils le reconnaissent, l’inouï de l’événement étant souligné par la mention que « certains eurent des doutes » ! Peut-être n’en sont-ils pas encore à partager la joie des femmes, née de leur accueil du message de l’Ange ! Cela n’empêche pas Jésus de s’approcher d’eux et de les envoyer en mission, au nom de la royauté universelle conférée au « Fils de l’homme dans la gloire » évoquée dans la parabole du Jugement dernier (25,31).
La mission des Onze consiste à « faire des disciples », c’est-à-dire à partager avec d’autres leur engagement, à la suite du Christ, à faire advenir la justice du royaume des Cieux en se conformant à l’enseignement qu’ils ont reçu de Jésus. En recevant le baptême « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (une formule trinitaire unique dans le Nouveau Testament, sans doute issue de la liturgie baptismale en vigueur dans la communauté de Matthieu), les disciples signifieront leur commune appartenance à l’Église du Christ. La formule trinitaire (qui, bien qu’en étant à sa source, n’est pas encore le dogme élaboré par l’Église) renvoie au baptême de Jésus : l’Esprit est descendu sur lui et la voix du ciel a établi une relation de Père à Fils entre Jésus et Dieu. À ceux qui ont encore des doutes, le Seigneur ressuscité promet d’être « avec eux » jusqu’à la fin des temps : « Moi avec vous je Suis tous les jours jusqu’à la fin du monde », c’est-à-dire, comme l’avait annoncé l’ange du Seigneur, « Emmanuel : avec nous, Dieu ». « Ainsi se répondent le début et la fin de l’évangile : la personne de Jésus assume toute l’histoire humaine, mais, depuis “le premier jour de la semaine”, le matin de Pâques, cette histoire incorpore l’engagement et le témoignage des chrétiens. » (Claude Tassin).
© Odile Flichy, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 177 (septembre 2016), « La Loi dans l’évangile de Matthieu », p. 51-52.