Le thème de la justice occupe une place très importante dans l'Ancien Testament. La recherche de la justice y représente même une exigence vitale que l'observance de la loi rend possible dans la vie quotidienne. Dans le prolongement de ce que les Prophètes et les Psaumes ont déjà dit, le Nouveau Testament développe et amplifie la réflexion vétéro-testamentaire. Mais il le fait à la lumière du ministère de Jésus et de son œuvre salvifique. Ainsi, dans les évangiles, on voit Jésus se montrer attentif à ceux qui souffrent et condamner la suffisance des riches, des repus et des rieurs (Lc 6,24-26). Il dénonce également l'attitude religieuse qui prétend rendre un culte à Dieu tandis que les obligations élémentaires de la justice ne sont pas respectées : « Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens, vous qui versez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, alors que vous négligez ce qu'il y a de plus grave dans la loi : la justice, la miséricorde et la fidélité » (Mt 23,23). Enfin, Jésus n'hésite pas à s'en prendre au clergé de Jérusalem qui a fait du Temple une « caverne de bandits » (Mc 11,15-17 et par.); et ses critiques à l'encontre des Pharisiens sont connues. S'il ne condamne pas leur observance rigoureuse et zélée de la loi, Jésus dénonce leur recherche des honneurs et leurs pratiques ostentatoires (Mt 23; Lc 11,39-44).

À plusieurs reprises, Luc semble pourtant annoncer le rétablissement de la justice bafouée, en particulier la justice envers les petits et les pauvres. C'est l'un des thèmes de l'action de grâce de Marie : « Il a dispersé les hommes à la pensée orgueilleuse; il a jeté les puissants de leurs trônes et il a élevé les humbles, les affamés, il les a comblés de biens et les riches, il les a renvoyés les mains vides » (Lc 1,51-53). C'est encore l'opposition entre le « maintenant » et le « futur » des béatitudes (Lc 6,21ss, comparer à Mt 5,3ss). C'est aussi la parabole, propre à Luc, du riche et du pauvre Lazare, avec son étonnant renversement de situation : « Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu ton bonheur durant ta vie, comme Lazare le malheur; et maintenant il trouve ici la consolation, et toi la souffrance » (Lc 16,25).

Cette conception d'une justice restaurée et retrouvée dans l'au-delà n'est pas un encouragement à la fatalité ou à la passivité. Elle s'inscrit dans le cadre de l'annonce du Règne de Dieu qui a, comme conséquence, le rétablissement de la justice.

La venue du Règne de Dieu est en effet une composante essentielle du Nouveau Testament où l'on voit Jésus préférer, au terme de « justice », celui de Royaume ou de Règne de Dieu. Annoncé par les prophètes, l'avènement du Royaume de Dieu n'est plus une promesse pour l'avenir. Il fait désormais corps avec la personne de Jésus (Mt 4,17; Mc 1,14-15), envoyé par Dieu « pour accomplir toute justice » (Mt 3,15).

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© Pierre Debergé, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 115 (Mars 2001), « La justice dans le Nouveau Testament », p. 5.