Le premier regard de Jésus chez Luc porte sur les deux barques de ses futurs disciples...

Orienté vers les réalités divines au moment du baptême chez Matthieu et chez Marc (Mt 3,16 ; Mc 1,10), le premier regard de Jésus chez Luc porte sur les deux barques de ses futurs disciples (Lc 5,2). Le dernier regard de Jésus sera aussi pour un disciple, Pierre qui vient de le renier : « Alors le Seigneur se retourna et fixa son regard sur Pierre » (22,61) ; notons que le sujet du verbe n’est pas ici « Jésus », mais le « Seigneur », titre qui, chez Luc, désigne Jésus comme Seigneur des chrétiens. Son regard appelle à la conversion : « Alors Pierre se rappela… »

L’autre mention du regard du « Seigneur », c’est le regard de compassion sur la veuve de Naïn (7,13). Partout ailleurs, c’est « Jésus » qui est le sujet des verbes de perception.

Il « regarde vers le haut », vers le ciel pour une prière avant la multiplication des pains (9,16), vers Zachée dans son arbre (19,5), vers la foule qui met ses offrandes dans le Temple (21,1). Avant de prononcer son grand sermon d’ouverture, Jésus lève les yeux vers les disciples (6,20).

Jésus « remarque » le collecteur d’impôt Lévi avant de l’appeler (5,27), Luc utilise ici un verbe plus rare que les parallèles.

Jésus « voit » aussi la femme courbée (13,12), les dix lépreux (17,14), le riche devenu tout triste (18,24), la veuve du Temple (21,2).

Jésus « porte un regard circulaire » sur ses adversaires (6,10), il les « fixe » une ultime fois après avoir raconté la parabole des vignerons homicides (20,17).

Le regard de Jésus perçoit des réalités que l’œil ne peut voir : la foi (5,20), Satan (10,18). C’est ce qui l’autorise à orienter le regard de ses interlocuteurs ; ainsi de Simon le pharisien avec la femme pécheresse : « Tu vois cette femme ? » (7,44).

 
© Vianney Bouyer, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 160 (juin 2012), "Les anonymes de l'Évangile" (p. 15)