Les épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens font un grand emploi des mots corps (sôma) et tête (képhalè) au sens métaphorique...

Les épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens font un grand emploi des mots corps (sôma) et tête (képhalè) au sens métaphorique. Ces deux termes sont bien attestés dans les grandes épîtres de Paul, mais ils prennent dans les épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens une valeur nouvelle.

En 1 Co 12,12-27 et Rm 12,4s la comparaison des membres du corps s'inspire d'une fable bien connue, celle des membres et de l'estomac, mais la transforme. Les chrétiens ne sont pas seulement dépendants les uns des autres, comme le sont les membres d'un corps, ils sont "le corps du Christ". Expression hardie qui a son origine dans le réalisme de l'eucharistie: "Le pain que nous rompons n'est-il pas une communion au corps du Christ ? Puisqu'il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps" (1 Co 10,17)

Dans Col et Ep le mot corps renvoie plusieurs fois à la conception du monde comme un corps, dont les parties sont solidaires les unes des autres, thème développé particulièrement par les Stoïciens. C'est en ce sens que Col 1,18 présente le Christ comme tête du corps, dans le contexte de la création de l'univers. Mais la précision "de l'église" nous ramène vers un horizon plus familier : l'Église est son corps (Ep 1,23), bénéficiant de son action constante. Comme le dit Ep 5,23, le Christ est le Sauveur de son corps, dont nous sommes les membres (Ep 5,30). Il l'est parce qu'il a lui-même pris un "corps de chair" (Col 1,22).

Une attention spéciale est accordée à la Tête, prise non comme un membre quelconque comme dans 1 Co 12, mais comme un vis-à-vis du corps. Deux emplois sont à distinguer selon les deux nuances du mot: le Christ est Tête au sens de chef pour les Puissances (Col 2,10), qu'il dépouilla de leur autorité sur la croix (Col 2,15). Elles ne constituent pas son corps.

En ce qui concerne l'Église, le Christ est Tête parce qu'il l'anime. En effet selon la conception physiologique de médecins grecs (Hippocrate, Galien), la tête est le centre d'où part l'influx nerveux et c'est elle qui cause la croissance du corps. On trouve cette représentation en Col 2,19; Ep 4,15s.

Le devoir de l'Église en tant que Corps, c'est d'être bien attachée au Christ. Ainsi est assurée l'unité: Ep 2,16; 4,12.14; Col 3,15. Pour la croissance et le bon fonctionnement du corps, il faut des articulations (Col 2,19 et Ep 4,15s), image désignant les ministres de l'Évangile.


© Édouard Cothenet, SBEV / Éd du Cerf, Cahier Évangile n° 82 (Décembre 1992), « Les épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens », p. 18 (encadré).