De tout temps, l’humain cherche à se raconter au coeur du monde qu’il habite. Les récits qu’il (se) fait l’aident à se structurer dans son identité et dans son rapport à l’autre, qu’il s’agisse de l’autre humain ou de l’Autre divin.

Dans la Bible, au coeur de cette structuration, l’alliance (en hébreu berît) est présentée comme la catégorie relationnelle par excellence et le meilleur modèle du rapport à l’autre. Cette catégorie est le cadre probablement le mieux adapté pour décrire et structurer les relations, car l’alliance est, selon la belle formule de Paul Beauchamp, la « structure logique » de celles-ci. Or, l’ensemble de la Bible raconte l’aventure d’une relation, celle des humains entre eux et avec Yhwh (1).

Elle commence par les patriarches et se poursuit avec le peuple d’Israël. Nombreux sont les exégètes qui ont souligné que la berît est au coeur du corpus biblique et que cette thématique en constitue en quelque sorte le fil conducteur. Cette berît constitue le véritable dynamisme de l’existence d’Israël, signe de la sollicitude de Yhwh pour son peuple. C’est à la fois un chemin de vie et un idéal d’humanisation qui est proposé à ce dernier. À l’instar d’Ézéchiel, il est appelé à se mettre debout (cf. Éz 2,1 ; 3,24), à se (re) lever – souvent au coeur de l’épreuve – et à marcher, à vivre et à accomplir sa mission. Par la berît, Israël exprime son expérience fondamentale : être, devenir, former un peuple qui vit avec Yhwh une relation unique et privilégiée.

La berît est donc une notion centrale en théologie biblique car elle permet de nouer ses thèmes principaux, tels que la création, le don de la terre, l’élection d’Israël, l’histoire du salut et la rédemption, la justice, la Loi et son observance, la fidélité de Yhwh et celle des humains… Cela touche donc aussi au vivre-ensemble, à la communion entre humains ou avec Dieu, mais aussi aux questions éthiques et de responsabilité. Cette notion est tellement riche que l’on recourt à un large spectre de champs lexicaux pour l’exprimer au mieux. Ainsi, tous les types de langage exprimant les relations humaines sont utilisés : langage diplomatique et juridique, voire commercial, mais aussi langage de la vie familiale, du couple, et des relations fraternelles.

Lorsque la Bible parle de berît entre Yhwh et Israël, elle insiste sur le fait que c’est toujours Yhwh qui est à l’initiative de cette relation particulière et qu’Israël, élu pour cette alliance, est appelé à y répondre positivement. La berît exprime ainsi un engagement particulier entre Yhwh et Israël, mais aussi un mode spécifique d’être au monde d’un peuple qui décide de cheminer avec son Dieu. Y entrer signifie pour Israël qu’il accepte et assume des responsabilités particulières qui découlent du fait de choisir Yhwh. Elles portent sur la relation à lui-même et au Dieu qui l’appelle à la vie, ainsi qu’au rapport à la création et au reste de l’humanité. Dès lors, le chemin de l’alliance n’est pas un « long fleuve tranquille » qui mettrait à l’abri des épreuves et des difficultés. Au contraire. Il est un cadre de vie qui invite Israël à rejeter tous ces absolus qui l’enferment et le tuent, les idoles, pour se tourner entièrement vers le seul partenaire qui le fasse vivre et le libère. Le seul qui le pose comme un « je » responsable face à lui, un partenaire exigeant parce qu’il l’aime : Yhwh.


© Elena Di Pede, Cahier Évangile n° 172, L'Alliance chez les Prophètes, p. 4-5.

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(1)  Yhwh ou « tétragramme sacré » est le nom propre du Dieu d’Israël. En français, il est souvent rendu par Yahvé ou Yahweh. Dès  le IIIème siècle avant notre ère, par respect, les Juifs lisaient Adonaï (Seigneur), ce qui, dans la Septante (ou Bible grecque), a donné Kurios (Seigneur). Les traductions françaises récentes usent donc du mot « Seigneur » (avec ou sans majuscules).