Jonathan assure la transition entre Judas Maccabée, le résistant, et Simon, le père de la dynastie asmonéenne...

Des Juifs croyaient encore aux Maccabées et l'hellénisme avait sans doute peu de racines dans la population, puisque la lutte reprit. Une fois de plus, le privilège de l'âge ne jouait pas ; Jonathan, le benjamin, succédait à Judas. Lui aussi mourra à la guerre.

Entre Démétrios 1er et Alexandre Balas
Entre Judas, le résistant rêvant d'indépendance, et Simon, père de la dynastie asmonéenne, Jonathan assure la transition. Il devra ses succès, d'une part, à l'affaiblissement des Séleucides en raison de luttes intestines, d'autre part, à son habileté à choisir le bon camp parmi les princes rivaux. Mais il commençait de bien bas : depuis le désert de Téqoa, avec une poignée de fidèles, il reprend le combat contre Bakkhidès qui le recherche ; et ces débuts sont endeuillés par l'assassinat de Jean, l'aîné des Maccabées (1 M 9, 32-42). À partir de cette période, nous n'avons plus pour sources juives que 1 M et Flavius Josèphe.

1 M 9, 54-57 raconte la mort du grand prêtre Alkime, vers l'an 159. Il avait fait abattre le " mur de la cour intérieure " du Temple, peut-être, dans l'esprit hellénistique, pour abolir la séparation sacrale entre Juifs et païens. On ignore si Alkime eut un successeur où si le siège resta vacant. 1 M 9, 57 signale alors deux ans de paix au bout desquels Jonathan a pris une telle envergure que les Hellénisants demandent une intervention de Bakkhidès. Celui-ci subit une défaite à la bataille de Bethbasi, près de Bethléem, et se retourne contre les Hellénisants qui l’ont entraîné dans cette aventure. Jonathan se sent prêt à traiter avec Bakkhidès et il s'impose à toute la Judée depuis la bourgade de Makhmas, au nord de la Judée (1 M 9, 58-73).

Vers l'an 153, surgit un rival de Démétrios 1er en la personne d'Alexandre Balas, un aventurier qui se fait passer pour un fils d'Antiochos IV Épiphane et gagne le soutien des Romains. Exploitant cette rivalité, Jonathan reçoit de Balas le titre de grand prêtre, mais doit négocier avec Démétrios 1er son installation à Jérusalem. Il entre en fonction en la fête des Tentes de l’an 152 (1 M 10, 21).

Les violences persistent. D'abord, face à Alexandre Balas, Démétrios surenchérit dans les promesses à l'égard de Jonathan (1 M 10, 22-45, document d’authenticité douteuse) : dispenses fiscales pour la Judée et une partie de la Galilée et de la Samarie, restitution de l'akra de Jérusalem, don du territoire de Ptolémaïs (1 M 10, 46-50). Mais Jonathan n'a pas le temps de se laisser abuser par ces promesses. Car, en 150, Démétrios 1er succombe dans sa lutte contre Balas (1 M 10, 46-50). Ce dernier assoit sa position en faisant alliance avec l'Égypte, par son mariage avec Cléopâtre Théa, fille de Ptolémée VI. On invite Jonathan aux noces, car son pays représente une région clé entre les deux royaumes, et le grand prêtre se voit accorder (1 M 10, 51-66) les titres militaire et politique de stratège et de " méridarque " (chef de région).

Entre Démétrios II et Antiochios VI
Mais en 147, Démétrios II, fils de Démétrios 1er, vient se poser en rival de Balas dont il entend châtier les alliés. Il invite Jonathan à venir se mesurer à lui sur le littoral. C'est en fait Jonathan qui se rend maître des cités côtières, Ascalon, Joppé, Ashdod (1 M 10, 67-89). Mais l'inimitié s'installe entre l'Égypte et Alexandre Balas. Ptolémée VI monte vers la Syrie par la bande côtière, avec la faveur de Jonathan qui comprend que le vent tourne (1 M 11, 1-7). Ptolémée s'empare ensuite de la couronne d'Antioche et offre comme épouse à Démétrios II sa fille Cléopâtre mariée précédemment à Alexandre Balas. Ce dernier, qui guerroyait en Cilicie, revient affronter Ptolémée. Battu, il se réfugie en Arabie dont le prince le fait décapiter ; mais Ptolémée, lui-même blessé, meurt peu de temps après (1 M 11, 8-19). Désormais sans rival, Démétrios II devient roi (145–138).

Jonathan pense venu le moment de reconquérir l'akra que tenaient toujours " une garnison macédonienne et certains de ces impies qui avaient abandonné les usages ancestraux " (AJ XIII, 121 ; voir 1 M 11, 20-21). Apprenant cela, le roi convoque Jonathan qui, par ses cadeaux, tourne l'entrevue à son avantage (1 M 11, 20-29). Démétrios II lui confirme son pontificat et aussi la possession de trois cantons qui mordent sur la Samarie (Josèphe ajoute la Galilée et la zone de Joppé). Jonathan obtient le retour à l'ancienne fiscalité : le grand prêtre lui-même administre toutes les levées d'impôts et de taxes, à charge pour lui de verser au roi un tribut annuel. Ces décisions " en faveur de tous ceux qui sacrifient à Jérusalem " (1 M 11, 34) rappellent la charte d'Antiochos III et sont communiquées à Lasthène, gouverneur de Coelé-Syrie (1 M 11, 30-37). Mais, à l'évidence, Jonathan reçoit ces concessions contre l'abandon de ses visées sur l'akra.

Par nécessité économique, le roi démobilise le gros de son armée, d'où le mécontement des soldats que sut exploiter le général Tryphon. Resté fidèle à la mémoire d'Alexandre Balas, celui-ci veut mettre sur le trône un fils de Balas, Antiochos VI, gardé en Arabie (1 M 11, 38-40). Exploitant ces nouveaux troubles, Jonathan demande l'évacuation de l'akra et des autres forteresses judéennes. Démétrios II le lui promet, à condition qu'une armée juive vienne le délivrer à Antioche de la population montée contre lui. L'opération militaire se réalise avec succès, mais Démétrios oublie sa promesse (1 M 11, 41-52).

Tous cela se passe en une année. Dès 144, Tryphon a installé Antiochos sur le trône ; mais Démétrios II règne toujours sur la Cilicie et la Mésopotamie. Antiochos VI s'allie à Jonathan et nomme Simon Maccabée stratège du littoral palestinien. Puis Jonathan entre-prend une tournée pour rallier les troupes syriennes démobilisées à la cause d'Antiochos (1 M 11, 54-62). Mais Démétrios II n'entend pas laisser impunie cette désertion et prépare contre Jonathan une attaque depuis la Galilée. À lire Josèphe (AJ XIII, 156), on comprend que la forteresse de Bethsour est aux mains d’une garnison de Démétrios. Pour parer à tout danger du côté sud, Simon Maccabée s'en empare, tandis que Jonathan se rend en Galilée : c'est la bataille d'Asor (Haçor) dont il sort vainqueur (1 M 11, 63-74).

[...]

Jonathan, « prêtre impie » ?
"En ce temps-là", écrit Flavius Josèphe (AJ XIII, 171-173), il y avait trois "sectes" : les pharisiens, les sadducéens et les esséniens. Selon l’opinion traditionnelle, pharisiens et esséniens résulteraient d’une scission du cercles des Assidéens. Mais selon une récente hypothèse [...], les esséniens seraient apparus à la fin du IIIe s. av. J.-C. comme un groupe pieux nourri des traditions apocalyptiques de Palestine. Le groupe que révèlent les manuscrits de la mer Morte résulte d’une scission dans les rangs de l’essénisme. Le conflit porte sur les normes relatives au calendrier liturgique, à la manière d’exercer le culte, à la pureté des personnes et des objets. Après une période de tâtonnement, le Maître de Justice prend alors la direction des séparatistes qui se retireront à Qoumrân. Il se réclame d’une révélation divine qui lui confère l’interprétation authentique des Écritures, une interprétation marquée par une vive attente apocalyptique de la fin des temps. Ce Maître, anonyme, pourrait être le grand prêtre ayant succédé à Alkime et évincé par Jonathan Maccabée, lui que, parmi d’autres adversaires successifs, les textes de Qoumrân désigneraient comme "le prêtre impie".

Fac à à Démétrios II et Tryphon.
Une autre campagne dite "de Hamat" oppose encore Démétrios II et Jonathan (1 M 12, 24-32). De son côté, Simon Maccabée s'active dans les cités de la plaine du littoral. Certes, il défend les intérêts d'Antiochos VI, mais il favorise par là aussi l'implantation de Juifs dans une région vitale pour les relations commerciales (1 M 12, 33.38). Un sommaire, 1 M 12, 35-38, résume la politique de fortification de la Judée. Faute de pouvoir s'emparer de l'akra, Jonathan l'isole du reste de la ville par un rempart ; il se permet ce geste parce que Démétrios II est parti guerroyer en Babylonie (voir AJ XIII, 184 s ; mais la chronologie de Josèphe est confuse).

Pendant ce temps, le général Tryphon ne soutient plus Antiochos VI et cherche à prendre sa place. Comme il craint que Jonathan ne s'y oppose, celui-ci se sait en danger et préfère attaquer Tryphon qui a établi son camp à Scythopolis (Beth Shéan). Mais le Syrien réussit par ruse à éloigner la plus grosse partie de l'armée juive et à emmener Jonathan à Ptolémaïs (Akko) où il s'empare de lui avec la complicité des habitants (1 M 12, 39-53).

Tous croient Jonathan mort et Simon prend sa place. 1 M donne l'impression que Simon se soucie peu du sort de son frère : il fortifie Jérusalem, envoie une armée réoccuper Joppé (1 M 13, 1-11). Le début de l'hiver 143/2 se passe en luttes incertaines. Simon paie sans enthousiasme la rançon pour son frère qu'il sait maintenant vivant. Mais Tryphon exécute son prisonnier avant de repartir pour la Syrie (1 M 13, 12-30).

Jonathan a su cultiver le sentiment national de son peuple au moment où il en était besoin pour la survie de la nation. Il a cru pouvoir sauver la situation par une politique de compromis constants, et peut-être était-ce la seule politique possible.


© Claude Tassin, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 136 (juin 2006) "Histoire d'Israël : des Maccabées à Hérode le Grand",  p. 20-22.